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Être suprême, d’une durée éternelle, remplit son cœur de confiance et de sérénité. Ce caractère céleste, qui ennoblit tous ses traits, qui respire dans sa bouche, dans ses regards, est peinte encore dans l’impression de ceux qui l’écoutent. Aux regrets, à la douleur dont on les voit pénétrés, se mêle plus ou moins d’étonnement, de respect et d’admiration. Le sentiment qui domine essentiellement dans cette scène touchante est l’espèce d’attendrissement qui dispose l’âme au recueillement religieux d’une modération profonde.

La variété des poses et des attitudes que le peintre a eu l’art de donner aux différents personnages qui entourent Socrate n’a pas été exempte de reproches. On a trouvé une intention trop recherchée dans ce pied levé de l’esclave qui présente la coupe. Mais ce mouvement ne convient-il pas en effet à la contrainte qu’il paraît éprouver ? L’action du jeune homme qui, une main appuyée sur la muraille, semble, de l’autre, poser quelque chose sur ses yeux, a paru peu naturelle, et nous ne cherchons point à la justifier. Nous conviendrons encore que la main du vieillard qui s’appuie sur la cuisse de Socrate, quelque admirable qu’en soit le dessin, nous a paru un peu maniérée.

Après ces reproches les plus sévères, quelquefois même les plus hasardés, je n’ai point vu de critique qui ne fût forcé d’admirer au moins l’exécution de ce tableau, et d’avouer qu’il est impossible de terminer un ouvrage avec plus de soin, de correction, de fermeté. Chaque figure est dessinée jusque dans ses moindres détails avec une étude précieuse ; on ne peut même se dissimuler que l’artiste semble avoir cherché quelquefois à multiplier les difficultés de sa composition pour le plaisir d’exercer son talent à les vaincre. Ce qu’on a trouvé le plus généralement à redire à ce superbe tableau, c’est la manière dont il est éclairé. On ne voit point trop d’où peut venir cette grande lumière qui environne si également toutes les figures du premier plan. Sa couleur du fond a paru un peu ardoise ; les plis de quelques draperies semblent plus faits pour le sculpteur que pour le peintre ; on a reproché à d’autres d’avoir l’éclat éblouissant d’une peinture en porcelaine. Mais en trouvant même à ces reproches quelque fondement, nous conclurons, comme M. Renou, que, lorsqu’il s’agit de blâmer un grand homme, il faut de