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mes ordres. » Après l’avoir comblé de caresses en public, il le fait venir en particulier et lui représente à quel point sa confiance se trouverait compromise s’il ne la justifiait pas incessamment par une réparation éclatante. Le jeune homme se jette à ses genoux ; il brûle d’aller au-devant des plus grands dangers. Le jour même il se distingua dans une action très-périlleuse, et fut depuis un des plus braves officiers de l’armée. Il est peu de traits sans doute d’un tact plus rapide et plus profond, peu d’exemples plus frappants de cet art si rare et si sublime d’élever même les âmes communes au-dessus d’elles-mêmes, ou de leur rendre au moins toute l’énergie que des circonstances singulières ont pu leur ravir.

Mlle d’Albert vient de donner au public un roman en quatre petites parties, in-12, intitulé les Confessions d’une jolie femme. Ce n’est pas son coup d’essai en ce genre, mais c’est le seul qui ait paru. Celui-ci n’aura pas vraisemblablement des suites aussi fâcheuses pour elle que sa première production. Voici son histoire.

Mlle d’Albert est née en Languedoc, d’une famille honnête et très-mal partagée de la fortune. Lorsque l’abbesse de Panthemont fut nommée à cette abbaye, elle se souvint qu’elle était parente éloignée de Mlle d’Albert, et la demanda à ses parents dans l’intention de se charger de son éducation et de son sort. On la lui envoya. La jeune personne avait infiniment d’esprit ; elle profita des bontés de l’abbesse. Elle se distingua d’une manière assez marquée pour être préférée à beaucoup d’autres pour tenir compagnie à Mlle de Rohan, depuis comtesse de Brionne, qui entra à Panthemont trois ans après Mlle d’Albert. Rien de ce qu’elle voyait et de ce qu’elle entendait à Panthemont ne lui échappait. Elle y prit une connaissance assez vraie de la ville et de la cour, et ce qu’elle en connaissait lui fit deviner ce qu’elle n’en connaissait pas. Il y avait un an qu’elle accompagnait partout Mlle de Rohan, lorsqu’il lui passa par la tête de faire un roman fort gai, fort plaisant. Elle le fit imprimer sans nom d’auteur ; mais on crut y reconnaître plusieurs personnages importants, plusieurs faits récents assez mal déguisés et tournés en ridicule. Elle avait des confidentes jalouses de la place qu’elle occupait, qui la nommèrent. Elle avoua, et son aveu lui coûta son état. Son ouvrage fut saisi, et l’on en racheta jusqu’au der-