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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Il y a quelques mois qu’un Français, nommé Monet, alla établir une Comédie française à Londres. Ce spectacle ne fut pas du goût de beaucoup de gens ; il fut d’abord troublé par la populace et ensuite supprimé par le magistrat. Quelques Anglais qui l’avaient protégé l’abandonnèrent, quand ils virent que ce goût les rendait odieux et leur devenait funeste. Un d’entre eux ne fut pas nommé membre du Parlement pour cette seule raison. De moindres choses, dit Monet, ont occasionné de pareils malheurs. Il y a quelques années que dans une semblable élection, un homme du parti contraire au candidat, pour qui le peuple paraissait le mieux disposé, s’avisa de tuer une souris et de la porter sur une espèce de plat au milieu d’une bruyante assemblée composée d’artisans et de leurs suppôts. On fut bientôt curieux de savoir ce que signifiait ce ridicule cadavre qu’on étalait ainsi gravement. Le pathétique Anglais dit, presque en pleurant, que cette infortunée souris était morte de misère et de faim précisément dans la cuisine de l’homme qu’on voulait élire. Il ajouta que ses domestiques étaient menacés du même sort, et il conclut qu’on pouvait juger de l’excès de son avarice par le malheureux destin de cette souris. Ce stratagème fit son effet ; le plus faible parti prévalut et la souris donna l’exclusion à celui qui se trouva chargé de sa mort.

Monet dit toutes ces choses dans un Mémoire qu’il vient d’imprimer pour se justifier aux yeux de la nation[1]. Ce mémoire fait quelque bruit, parce que toutes les misères en font ici.


LXXX

19 octobre 1750.
CONSEILS À UNE JEUNE PERSONNE
PAR M. PESSELIER,

sur l’air de
la Musette de rochard.

Vous avez les appas
De l’aimable jeunesse ;

  1. Mémoire du sieur Monet, directeur de la Comédie française établie à Londres, contenant les raisons de la suppression de ce spectacle. 1751, in-8.