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NOUVELLES LITTÉRAIRES

Il a voulu imiter Santerre, et cela l’a gâté. Il ébauche bien et emploie de bonne couleur ; quand il vient à finir, il la gâte, elle devient livide, son travail paraît tout estompé dans ses chairs et indécis comme une tête qu’on regarderait à travers une gaze noire. Son gendre, Tocqué, lui est bien supérieur dans les portraits. Malheureusement il n’est pas assez connu, on ne l’estime pas assez.

Aved est encore peintre de portraits. Il fait ressembler, mais en laid et en dur. Sa couleur est âcre et tire au noir et à la brique, son pinceau est lourd, dur et sec. Il ne sait ni fondre ni finir. Ce qu’il a fait de mieux, ce sont les portraits de l’ambassadeur turc, de Crébillon, de Roy et de Rousseau. Ce dernier est gravé.

De La Tour, excellent peintre de portraits au pastel, n’a eu de maître que la nature. Il la rend bien, sans manière ; il se donne beaucoup de peine et ne se contente pas aisément, ce qui nuit beaucoup à ses portraits. Il ne sait pas s’arrêter à propos ; il cherche toujours à faire mieux qu’il n’a fait, d’où il arrive qu’à force de travailler et de tourmenter son ouvrage, souvent il le gâte ; il s’en dégoûte, l’efface et le recommence pour faire ordinairement moins bien qu’il n’avait fait d’abord. Il n’a jamais pu se persuader que le pastel ne voulait pas être tourmenté, que le travail lui ôtait sa fleur et le rendait presque estampe. De La Tour a encore le malheur de s’être entêté d’un vernis qu’il croit avoir inventé, et qui lui gâte tout ce qu’il a fait.

Perronneau fait bien le portrait à l’huile et au pastel, mais mieux au pastel qu’à l’huile. Il cherche la manière de la fameuse Rosalba, mais il est bien moins grand qu’elle. Sa touche est pleine d’esprit, peut-être un peu maniérée et s’écartant un peu de la nature. Il faut voir ses portraits d’un peu loin, surtout ceux à l’huile ; de loin, ils font de l’effet.

— J’ai eu l’honneur de vous envoyer l’épigramme du poëte Roy contre Mme de Graffigny, et la réponse ; en voici une qui est la suite de ce démêlé :


Qu’yRoy contre l’auteur de Cénie
Qu’yN’a point vomi de calomnie,
Qu’yNous devons le croire, il le dit.
Qu’yMais en jurant que son esprit
Qu’yD’un tel forfait ne fut coupable,
Qu’y gagnera-t-il ? Rien, car, s’il ne le connaît,
QuJurera-t-il qu’il n’en fut point capable ?