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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

duqDites-nous donc, dame Justice,
Duquel des deux amours vous préférez l’office ?
Pour avoir de Sodome allumé le flambeau
Naguère on fit griller un pauvre couple en Grève ;
Aujourd’hui, pour avoir tranché du maquereau
Et rallumé les feux qu’Adam sentit pour Ève,
Au cul d’un âne on vit une honnête bourgeoise
À qui, mal à propos, vous avez cherché noise.
Décidez cependant, car il faut bien, parbleu,
Qu’un homme soit Villars ou qu’il soit Richelieu.


— L’Académie française a distribué tous les ans, depuis 1671 jusqu’en 1748, des prix de prose qu’on vient de recueillir en deux volumes. Tous ces discours roulent sur des sujets de religion et de morale. Il y en a quelques-uns de mauvais, beaucoup de médiocres, et peu d’excellents. Les meilleurs sont ceux de nos plus grands hommes. M. de Fontenelle a mis dans le sien plus de délicatesse, Mangin plus de nombre, le président Hénault plus de sentiment, Toureil plus d’esprit, La Motte plus de philosophie, Roy plus d’éloquence. Le seul discours qui mérite à mon gré une grande attention est celui qui fut couronné en 1695, sous le nom de M. Brunet, et que je sais, à n’en pouvoir douter, être de Fontenelle. C’est un morceau des plus hardis et des plus philosophiques qui aient été faits dans ce pays-ci.

— On vient de m’envoyer un nouveau roman intitulé les Amours de Mahomet[1]. C’est une des plus insipides brochures que je connaisse.

— L’infâme poëte Roy qui, comme l’a si bien dit M. de Voltaire, a la rage et non l’art de médire, vient de faire contre Mme de Graffigny une méchante épigramme qui a révolté tout Paris. Tout manque, l’esprit, la versification, le sel, la vérité.


Jeune et belle l’on devient riche,
De jour en jour on s’arrondit ;
Vieille et pauvre, on n’a que l’affiche
De dévote et de bel esprit.
Ces métiers donnent à repaître,
Mais le premier s’apprend sans maître,

  1. Les Amours de Mahomet, écrits par Ayesha, une de ses femmes, Londres, 1750, in-12. L’auteur est resté inconnu.