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NOUVELLES LITTÉRAIRES

demeurée sans réponse et traitée avec le mépris dû à de pareilles incartades. Mais Mme de Mirepoix serait au désespoir de laisser le moindre doute sur ses attentions pour tout ce qui peut vous intéresser, et c’est par cette raison qu’elle m’a engagé de vous instruire de tout ce qui s’est passé entre Mme du Bocage et elle. Elle m’a chargé de mille compliments pour vous et de vous témoigner combien elle est fâchée qu’il ait passé par la tête de Mme du Bocage de se mettre hors d’état de traiter avec elle, selon vos intentions.

« Voici la lettre de cette dame :

« Je sens fort la différence qui est entre vous et moi, madame, mais la sincérité est de tout état, et quand j’aurais eu tort, par le conseil des dames anglaises, de vous parler de me présenter au roi, il me semble qu’au lieu d’allonger le temps et d’en charger milady Albemarle, ensuite de lui mander le contraire, vous deviez me dire ou écrire les véritables raisons qui vous en empêchaient ; elles ne m’auraient jamais fâchée, quand elles n’auraient été que sur les rangs et l’étiquette, ne me donnant que pour ce que je suis : mais à présent que le prince en est instruit, qu’il me trouve bonne pour lui faire ma cour et qu’il veut bien même le désirer, l’éloignement que vous avez marqué pour vous y prêter m’est extrêmement offensant, parce qu’aux yeux des étrangers il ne peut plus tomber que sur ma personne. Je ne sais qui vous a donné de si mauvais mémoires, mais comme je ne suis point du tout inconnue j’ose vous assurer que, quand vous serez mieux instruite de ma façon de penser, vous serez fâchée de m’avoir traitée avec aussi peu de ménagement et qu’on sera surpris, à Paris comme ici, quand je dirai que vous êtes la personne dans Londres qui ne m’ait pas donné des marques d’attention. Comme vous n’avez point jugé que j’en méritasse et que je fusse propre à paraître en public avec vous, je ne le suis point non plus pour aller chez vous. Ainsi vous ne serez point étonnée, madame, que je n’aie plus l’honneur de vous faire ma cour.

« Quelle opinion prendra-t-on ici des dames françaises, n’y en ayant que deux, de voir si peu d’union entre elles ? Si vous ne régliez votre estime que sur le degré de noblesse, il serait peu flatteur de la fixer, mais je ne puis avoir cette opinion d’une personne aussi éclairée que vous ; ainsi je reste dans la