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NOUVELLES LITTÉRAIRES

Richelieu fit son testament
Et Newton son apocalypse.

M. Néricault-Destouches, qui paraissait avoir renoncé au théâtre, vient d’y faire jouer la Force du naturel, comédie dont le sujet est absurde et choque les opinions les plus communes ; voici comme il l’a employé.

Le marquis d’Oronville, dont la fortune égale la naissance, a eu d’une femme qui est encore aimable, deux fils qu’il a perdus à la guerre et une jolie fille, nommée Julie et âgée de seize ans ; il a un parent qui porte son nom et qui a le titre de comte, à qui il destine cette riche héritière. La marquise, sa mère, ne néglige rien pour lui donner une éducation convenable à son rang et à sa figure. Cependant Julie, loin de se former, rebute sa mère et tous ses maîtres. Elle a un naturel bizarre et revêche que rien ne peut dompter. Elle a pris du goût pour Guéreau, intendant de son père, homme fat et sans mœurs. Lisette et Louison, femmes de chambre de la maison, s’entretiennent du caractère de Julie, dont elles soupçonnent l’étroite intelligence avec Guéreau, lorsqu’il paraît. C’est ici où l’action commence ; il leur parle avec hauteur ; elles en sont indignées, surtout Lisette, qui lui fait des révérences affectées et sort avec Louison pour épier les démarches de Julie et de l’intendant. Ce dernier s’aperçoit bien qu’il est haï de Lisette et craint avec raison sa pénétration, dans la situation délicate où il se trouve. Il a séduit la fille de son maître et l’a épousée secrètement. Le monologue où il expose ses frayeurs et sa témérité est interrompu par Julie, qui vient le trouver et l’exhorte à tout tenter pour la tirer de la maison раternelle. Elle a des diamants, l’intendant a de l’argent ; mais il craint d’être arrêté avant que de pouvoir passer chez l’étranger. Il quitte Julie à l’arrivée de la marquise, qui vient donner des instructions judicieuses à sa fille pour sa conduite et pour son éducation. Julie bâille et répond avec aigreur. Le marquis, qui connaît le caractère de sa fille, demande à la marquise si elle en est contente. Cette tendre mère répond au marquis, qui est violent, qu’il y a lieu de tout espérer. Le marquis, en se retirant, exhorte Julie à imiter une mère si parfaite.

Cependant la marquise, désolée du peu de fruit de ses soins, a recours au comte qu’on lui a destiné pour époux. « Joi-