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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

les entendre, et se charge de terminer telle affaire qu’on ne verra terminée que dans quarante ans. Un quart d’heure suffit pour cet emploi pénible ; on l’attend, il ne peut s’arrêter, le conseil va se tenir, il s’éclipse et se dérobe à la foule qui l’a attendu tout le jour et qui l’attendra demain, précisément à la même heure et avec le même succès.

« Le rengorgement ne s’en tient pas là. Le mal gagne et rend en très-peu de temps le malade intraitable. Il devient fier avec ses supérieurs, insolent avec ses égaux, impraticable à ses amis et nuisible au reste des hommes. De là s’engendrent les haines, la jalousie, puis les clameurs publiques. Le prince les écoute un temps et en est fatigué ; il dissimule, il espère que les plaintes se pourront assoupir ; elles augmentent. Il faut enfin céder. Le maître, accablé du cri de tous les États, retire la main qui soutenait le ministre : il tombe, et sa chute entraîne tous ceux que sa maladie avait gagnés. Ce Janitor inflexible, qui rudoyait les plus grands, accueille un homme de la populace. Le favori disgracié, qui répondait à peine d’un signe de tête aux prosternations, salue à présent le premier venu. Il demande la faveur et la protection de tel qu’il ne daignait pas honorer de la sienne, et sa famille, avec laquelle les plus grands noms briguaient la gloire de se déshonorer, trouve à peine des alliances de plain-pied, tant la fortune se plaît souvent à humilier davantage ceux qu’elle a le plus élevés. »

— On continue à disputer vivement sur la vérité et la supposition du testament politique du cardinal de Richelieu. Le roi de Prusse, qui entre à sa manière dans la querelle, convient avec Voltaire que cet ouvrage est mauvais, mais il prétend malgré cela qu’il est de ce ministre. Voici des vers qu’il lui a envoyés à cette occasion, et qui ne feraient pas déshonneur à Voltaire lui-même :

Quelques vertus, plus de faiblesses,
Des grandeurs et des petitesses
Sont le bizarre composé
Du héros le plus avisé.
Il jette des traits de lumière,
Mais cet astre dans sa carrière
Ne brille pas d’un feu constant.
L’esprit le plus puissant s’éclipse :