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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

lui-même d’une façon captieuse comme son propre meurtrier. L’usurpateur, que la joie d’un si grand événement étourdit, donne pour prix d’un tel service Électre en esclavage à Oreste, et lui offre les trésors qu’Agamemnon a rapportés du siège de Troie. Oreste refuse les trésors et dit qu’Électre suffit. Égiste demande l’urne ; Oreste répond : « Elle est à vous, seigneur », ce que les uns trouvent comique et les autres admirable. Pammène, qui craint qu’Oreste ne soit découvert, vient l’avertir qu’il est dans un danger éminent ; que le roi d’Épidaure vient d’envoyer un courrier à Égiste pour lui faire part de sa fuite et de la mort de Plisthène. Oreste, Pammène et Pylade prennent les mesures nécessaires pour échapper à la vigilance du tyran et pour échauffer les fidèles sujets d’Agamemnon. Ils se donnent rendez-vous dans un lieu où ils arrivent par trois chemins différents. Électre, qui ne peut parvenir jusqu’à Égiste, veut du moins venger la mort de son frère en tuant son meurtrier dont elle est esclave. Oreste arrive dans l’endroit où est Électre qui veut exécuter son projet ; elle s’est saisie du poignard que son frère avait mis sur le tombeau d’Agamemnon, et c’est avec ce fer qu’elle veut trancher ses jours. Elle s’écarte, en voyant Oreste, pour le frapper à coup sûr. Oreste gémit et prononce le nom d’Agamemnon. Cela donne de l’émotion à Électre, qui dit à part :

Les remords en ces lieux ont-ils donc quelque empire ?

Ce vers de situation fait un grand effet. Électre avance et veut enfoncer le poignard dans le sein d’Oreste, mais il tombe de sa main. Oreste frémit et du dessein et du danger. Électre s’écrie sur-le-champ :

Ah ! je crois voir en vous un dieu qui m’épouvante.

Oreste ne peut plus se contenir, et c’est ce qui fait la reconnaissance, qui serait plus belle si elle était mieux filée. Électre se livre à une joie sans bornes et dit ce beau vers :

Oui, vous êtes mon maître ; Égiste est obéi.

Pylade et Pammène viennent chercher Oreste ; ils l’accusent