Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
NOUVELLES LITTÉRAIRES

en est dominé une physionomie particulière, une contenance qui lui est propre, un geste dont la façon de penser a formé chez lui l’habitude, une voix surtout dont le ton ne saurait convenir à un caractère différent. La timidité donne une voix faible et entrecoupée, la fatuité a le ton dominant et d’une assurance choquante, l’homme grossier a la voix pleine et l’articulation lourde, l’avare qui passe la nuit à compter son or doit avoir la voix rauque.

L’idée que je me suis formée de ce livre après une lecture réfléchie, c’est que c’est une ébauche plutôt qu’un traité complet ; qu’il y a plus de pratique que de théorie ; qu’il peut être utile aux personnes qui veulent jouer la comédie, mais qu’il ne suffit pas ; que l’auteur a le coup d’œil plus sûr qu’étendu ; que le style ne manque pas seulement d’agrément, mais de clarté, de correction, de force. Le ton didactique qui règne dans cet ouvrage en fait un livre de pure instruction. Le même sujet a été manié il y a environ deux ans par M. Rémond de Sainte-Albine[1]. Ce premier traité n’était pas d’un écrivain qui eût bien de l’étendue dans l’esprit, mais il était fait et écrit avec beaucoup de soin. Il est ce que nous appelons un livre bien fait.

M. de Burigny, qui nous avait déjà donné quelques ouvrages, vient de publier en trois volumes in-12 l’Histoire des révolutions de l’empire de Constantinople, depuis la fondation de cette ville jusqu’en l’an 1453 que les Turcs s’en rendirent maîtres[2]. On peut compter sur les recherches de cet écrivain, homme instruit, exact, laborieux, mais il n’est que cela. Sa narration manque de chaleur, d’agrément, d’intérêt ; ses tableaux sont sans couleur et sans force ; il ignore absolument l’art, si nécessaire à l’histoire, des transitions et des liaisons. Son style, qui est assez correct, n’est jamais léger, vif ni brillant ; ses héros se ressemblent tous et paraissent jetés au même moule. Cet ouvrage n’est pas proprement une histoire ; ce sont des matériaux rassemblés avec sagacité et avec soin pour qui voudrait les mettre en œuvre.

J’ai oui dire un mot de M. de Burigny qui me paraît agréable.

  1. Voir p. 111.
  2. Paris, 1749, in-4o ; en 1750, 3 vol.  in-12.