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NOUVELLES LITTÉRAIRES

maîtresse. Le ton de tout cela est assez plaisant pour quiconque sait les finesses du langage de la plus vile populace.

— Un inconnu vient de nous donner un roman intitulé Kara-Mustapha et Basch-Lavi[1] dont voici à peu près l’idée. Le héros de ce livre, fameux par le siège de Vienne, était fils du grand vizir Achmet-Kuprogli. Il fut élevé dans le sérail avec Mahomet IV. Comme il était agréable et bien fait, il plut à la mère et à la sœur, mais d’une autre mère de ce jeune prince. Il recevait des leçons d’amour de l’une qu’il allait répéter à l’autre. Zencoub s’aperçut bientôt que sa jeune rivale faisait plus que la balancer dans le cœur de leur commun amant ; cela la détermina à la faire donner en mariage à Kalick-Assan-Bassa d’Alep, qui la mena dans son gouvernement. Zencoub depuis cet heureux jour posséda sans jalousie son amant, jusqu’à ce qu’on fût instruit à la Porte qu’Assan méditait une révolte. Mustapha fut chargé, à l’insu de la sultane, de prévenir ce malheur. Il porta au sultan la tête de Bassa et ramena d’Alep Basch-Lavi dont il était plus amoureux et plus aimé que jamais. Cette liaison déplut beaucoup à Zencoub et à l’épouse de Mustapha. Elles profitèrent du malheur arrivé aux Turcs devant Vienne pour déterminer Mahomet à faire périr son vizir Kara-Mustapha. On prétend que Basch-Lavi lui survécut peu et qu’elle mourut de douleur.

Ce roman est une vraie rapsodie sans goût, sans style, sans mœurs, sans imagination. Il y a longtemps qu’on voit de ces monstres dans notre littérature.

M. de Boispréaux, qui est connu par la Conjuration de Rienzi et par une traduction de Pétrone, vient de nous donner la Vie de Pierre Arétin[2]. Il résulte de cette lecture que ce célèbre écrivain était le plus effronté, le plus licencieux, le plus médisant, le plus menteur, le plus vain de tous les hommes. Il jouit pourtant d’une grande réputation.

Charles-Quint avait pour Arétin des attentions marquées. Un jour, ce prince étant en voyage et le secrétaire de ses commandements lui ayant présenté un grand nombre de dépêches, il leur demanda la lettre qu’il avait ordonnée pour recommander

  1. Par N. Fromaget. Amst. (Paris), 1750, in-12.
  2. La Haye, 1760, in-12. Boispréaux est le pseudonyme de Bénigne Dujardin, ancien maître des requêtes.