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NOUVELLES LITTÉRAIRES

ancienne et moderne. C’est un des plus faibles morceaux de prose qui soient sortis de la plume de M. de Voltaire. Il n’est entré que dans des discussions légères, et il ne les a pas même traitées agréablement.

Les Grecs étaient dans l’usage de consacrer par des éloges publics et solennels la mémoire des citoyens qui étaient morts pour la défense de la patrie. M. de Voltaire voudrait introduire parmi nous cette si louable coutume. Pour en venir à bout, il a fait imprimer à la suite de sa tragédie un éloge funèbre des officiers qui sont morts dans la guerre de 1741. Il y a dans cette déclamation plus de sentiment que je ne me souviens d’en avoir jamais trouvé dans aucun panégyrique. Voici comme il parle du chevalier de Belle-Isle : « Quoi ! nos livres, nos écoles, nos déclamations, répéteront sans cesse le nom d’un Cynégire qui, ayant perdu les bras en saisissant une barque persane, l’arrêtait encore vainement avec les dents ! Et nous nous bornerions à blâmer notre compatriote qui est mort ainsi en arrachant les palissades des retranchements ennemis au combat d’Exilles, quand il ne pouvait plus les saisir de ses mains blessées ! Le jeune de Brienne ayant eu le bras fracassé à ce combat d’Exilles, montait encore à l’escalade en disant : « Il m’en reste un autre pour mon roi et ma patrie. » Le marquis de Beauvau, blessé à mort et entouré de soldats qui se disputaient l’honneur de le porter, leur dit : » Mes amis, allez où vous êtes nécessaires, allez combattre et laissez-moi mourir. »

M. de Voltaire termine le recueil que j’ai l’honneur de vous annoncer par une dissertation sur les mensonges imprimés. On sent que la multitude de satires qu’on imprime tous les jours contre lui a donné naissance à cet écrit, qui est fort agréable. Vous y trouverez qu’un gazetier à la fin d’une guerre demanda une récompense à l’empereur Léopold, pour lui avoir entretenu sur le Rhin une armée complète de cinquante mille hommes pendant cinq ans. J’ai ouï conter, dit Voltaire, au chevalier Walpole qu’un de ces écrivains qui discourent en Angleterre plus qu’ailleurs du Parlement et sur les affaires d’État, n’ayant point encore pris de parti sur les différends, vint lui offrir sa plume pour écraser tous ses ennemis ; le ministre le remercia poliment de son zèle et n’accepta point ses services. « Vous trouverez donc bon, dit l’écrivain, que j’aille offrir mon secours à