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NOUVELLES LITTÉRAIRES


LX


On vient de nous donner une traduction de l’Art de conserver la santé, composé pour l’école de Salerne[1]. Cet ouvrage, fait environ vers l’an 1100, renferme des préceptes sur le choix des aliments, sur les différents régimes qui peuvent nuire ou servir à la santé, sur les remèdes qui conviennent aux maladies les plus ordinaires. Les illustres médecins, auteur de cet ouvrage, le dédièrent à Robert, duc de Normandie, célèbre par un trait fort généreux. Il était affligé par une fistule si maligne, qu’on jugeait qu’il n’en pourrait guérir, à moins que quelqu’un n’en suçât le venin avec la bouche. Ce prince, qui ne croyait pas que cela fût possible, sans un grand danger de la personne qui lui rendrait ce service, fut assez généreux pour ne vouloir pas permettre que qui que ce fut s’y exposât. La princesse, sa femme, qui l’aimait très-tendrement, prit le temps qu’il dormait, suça la plaie, la guérit et n’en reçut aucun mal.

L’École de Salerne est écrite en vers latins. Ils sont assez mauvais, mais on les retient parce qu’ils sont courts et qu’ils renferment des préceptes importants. Je ne sais ce qu’on pense de cet ouvrage dans les autres pays, mais ici on en fait grand cas, et il y a bien peu de Français un peu instruits qui n’en sachent et qui n’en citent souvent des vers. La traduction française ne jouira pas probablement du même honneur. Les vers ne valent pas mieux et sont beaucoup moins serrés. Vous en jugerez par ces deux ou trois exemples :


MOYEN DE SE PASSER DE MÉDECIN.

Si tibi deficiant medici, medici tibi fiant
Hæc tria : mens hilaris, requies moderata, diæta.

  1. Traduit en vers français, par B. L. M. (Bruzen de La Martinière). La Haye, 1743, et Paris, 1749, in-12.