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NOUVELLES LITTÉRAIRES

était aux aguets, entendant parler d’un paquet arrivé de province, crut que c’était quelque chose de précieux ; il prit la livrée du laquais qu’il avait épié et alla chercher le paquet qu’on lui remit sans difficulté. Il avait fait à peine ce ridicule vol qu’il fut arrêté. Le magistrat qui fut chargé de l’interroger badina le soir avec ses amis à un grand souper de l’aventure du cartouchien ; on voulut voir la tragédie, et le président Dupuy, la trouvant à son gré, la donna au théâtre sous son nom, avec le titre de Tibère, après y avoir fait faire quelques changements par l’abbé Pellegrin. Cette pièce eut un sort fort funeste, et attira à l’auteur adoptif l’épigramme suivante :


Si sous le nom du président Dupuy,
ChaqueTibère n’a pu plaire,
ChaAurait-il plu sous celui
ChaqueQui pour la lui refaire
CÀ reçu cent écus de lui ?

La chute de cette tragédie engagea un jeune homme appelé Duvaure à jouer le président Dupuy dans une comédie intitulée le Faux Savant. Cette petite pièce n’eut aucun succès, et on l’avait perdue de vue, lorsqu’on la vit reparaître comme pièce nouvelle sous le titre de l’Amant précepteur. Les caractères en sont misérables, et le style assez plat. Elle réussit pourtant, parce qu’on y a collé un premier acte qui est rempli de bonnes plaisanteries. Comme c’est un hors-d’œuvre et qu’il est infiniment supérieur au reste de l’ouvrage, on croit que Duvaure n’en est pas l’auteur.

— La place vacante de l’Académie française par la mort du cardinal de Rohan n’est pas encore donnée. Le prince de Montbazon, qui l’avait d’abord demandée, abandonna ses poursuites à la sollicitation des princes de sa maison qui ne trouvaient pas qu’un homme qui n’avait jamais eu le goût des lettres pût siéger avec bienséance parmi les plus beaux esprits du royaume. L’abbé Le Blanc, soutenu de tout le crédit de Mme la marquise de Pompadour, a eu longtemps les plus fortes espérances ; les cris du public et la fermeté de quelques académiciens ont déterminé cette dame, qui aime véritablement les arts, à retirer sa protection à un écrivain qu’on n’en trouvait pas trop digne. Il paraît que les mesures sont prises pour l’abbé de Vauréal,