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NOUVELLES LITTÉRAIRES

devrait être enjoué. Au lieu de s’élever aux auteurs qu’il traduit, il les fait descendre jusqu’à lui. Tous ces écrivains, qui ont un génie si différent, paraissent, grâce aux soins de leur interprète, n’avoir qu’une même manière. Tous les morceaux traduits sont précédés d’un examen communément assez sensé, mais qui manque presque toujours de sel et d’agrément. Voici les pièces qui composent ce recueil :

1° Le Philips, un poëme sur le cidre ; c’est une faible imitation des Géorgiques de Virgile ; le Précieux Schelling, poëme burlesque qui a pu faire rire les Anglais, mais qui ne produira pas le même effet en France ; un poëme sur la bataille d’Hoschtædt. Cette poésie est destituée de merveilleux et remplie d’inventions contre la France. La marche en est trop lente, et les digressions trop lentes ou trop fréquentes. Du reste, vous y trouverez des images nobles, des pensées hardies, des comparaisons heureuses et un enthousiasme qui n’est pas toujours assez réglé. M. de Tallard ayant été fait prisonnier dans cette bataille, Marlborough, qui était humain, chercha à le consoler. « Tous ces motifs de consolation que vous m’apportez, lui dit le général français, n’empêchent pas que vous n’ayez battu les plus braves troupes du monde. — J’espère, repartit l’Anglais, que vous en excepterez celles qui les ont battues. » Les ennemis de la France ayant érigé un trophée à Hoschtædt pour perpétuer le souvenir de la victoire qu’ils y avaient remportée, un Gascon fit les vers suivants :

ChaqMaugrebleu du fat qui t’a fait,
ChaqVaine pyramide d’Hoschtædt ;
ChaqAh ! si pour pareille vétille
Chaque bataille, assaut, prise de ville,
ChaqLouis, ce héros si parfait,
ChaqAvait fait dresser une pile,
Le pays ennemi serait un jeu de quille.


2° Du docteur Swift. Comme les pièces qu’on a traduites de cet ingénieux et agréable écrivain sont peu de chose, je crois que vous aimerez mieux une épitaphe de sa façon, qu’on lit à Dublin sur le tombeau du maréchal de Schomberg et qu’on a extraite de ses poésies. Le doyen et le chapitre de cette église ont fait leur possible pour engager les parents du maréchal à lui ériger un monument ; n’ayant pas réussi ni par leurs lettres ni par leurs