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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

quelques observateurs avaient soupçonnée auparavant, prétend que l’homme et tous les animaux viennent d’un œuf, que le premier produit de la conception dans les vivipares est une espèce d’œuf, et que la seule différence qu’il y ait entre les vivipares et les ovipares, c’est que les fœtus des premiers prennent leur origine, acquièrent leur accroissement et arrivent à leur développement entier dans la matrice, tandis que les fœtus des ovipares prennent, à la vérité, leur première origine dans le corps de la mère où ils ne sont encore qu’œufs, et que ce n’est qu’après être sortis du corps de la mère qu’ils deviennent réellement des fœtus.

Ce système des œufs aurait emporté les suffrages unanimes de tous les physiciens si on n’eût pas fait un autre système qui est dû à Leuwenhoeck, qui a été confirmé par André Valisnieri, et par M. Hartsoeker, âgé de dix-huit ans, à qui se dévoila le spectacle du monde le plus imprévu pour les physiciens même les plus hardis en conjectures, je veux dire ces petits animaux jusque-là invisibles qui doivent se transformer en hommes, qui nagent en une quantité prodigieuse dans la liqueur destinée à les porter, qui ne sont que dans celle des mâles, qui ont la figure de grenouilles naissantes, de grosses têtes, de longues queues et des mouvements très-vifs. Cette étrange nouveauté étonna l’observateur, et il n’en osa rien dire. Il crut même que ce qu’il voyait pouvait être l’effet de quelque maladie, et il ne suivit point l’observation. Deux ans après, il reprit les observations du microscope, et revit ces animaux qui lui avaient été suspects. Alors, il eut la hardiesse de communiquer son observation à son maître de mathématiques et à un autre ami. Ils s’en assurèrent tous les trois ensemble. Ils virent de plus ces mêmes animaux sortis d’un chien et de la même figure à peu près que les animaux humains. Ils virent ceux du coq et du pigeon, mais comme des vers et des anguilles. L’observation s’affermissait et s’étendait, et les trois confidents de ce secret de la nature ne doutaient presque plus que tous les animaux ne naquissent par des métamorphoses invisibles et cachées, comme toutes les espèces de mouches et de papillons viennent de métamorphoses sensibles et connues. Hartsocker s’imagina que ces animaux devaient être répandus dans l’air où ils voltigeaient, que tous les animaux visibles les prenaient tous confu-