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Tome II.

Voici un jugement de Rousseau que les gens de bon goût ne confirmeront pas. « Le Mathianasius, dit-il, est un livre qui peut aller de pair avec le Diable boiteux et tous les autres livres platement fous qui enrichissent de temps en temps les libraires à la grande honte du public. Je me souviens, à l’égard de ce dernier, que Despréaux l’ayant attrapé entre les mains de son petit laquais Atis, le menaça en ma présence de le chasser si ce livre couchait dans sa maison. » Voilà à mon gré un jugement qui ne fait guère d’honneur à Rousseau, et une action de Despréaux aussi ridicule que celle de cette folle qui, dans les Femmes savantes, veut chasser sa servante parce qu’elle s’est servie d’un terme condamné par Vaugelas.

Je trouve dans une lettre quatre vers de la tragédie de Sophonisbe, de Lagrange, qui méritaient bien d’être conservés ; vous les trouverez beaux et hardis :

Songez qu’il est des temps où tout est légitime,
Et que si la patrie avait besoin d’un crime
Qui put, seul, relever son espoir abattu,
Il ne serait plus crime, il deviendrait vertu.

Rousseau écrit à un de ses amis : « Il faudrait, pour nous rendre heureux en ce monde, qu’il y ait une ville exprès pour les honnêtes gens, et que la dispersion ne fût permise qu’au commun des hommes. »

L’abbé de La Rivière, qui gouvernait absolument le duc d’Orléans, frère de Louis XIII, louait extrêmement ce prince ; un courtisan l’interrompit en lui disant : « Faites-le valoir encore davantage afin de le vendre plus cher. » Ce mot me paraît plus fin que celui de Mademoiselle, fille de ce prince, au même abbé : « Vous devriez savoir ce qu’il vaut, vous l’avez vendu assez souvent. »

Lorsque La Motte-Houdard imprima ses fables avec des planches gravées par Gillot, on fit l’épigramme suivante :

Quand le graveur Gillot et le poëte Houdard
Pour illustrer la fable auront mis tout leur art,
PourC’est une vérité très-sûre
Que le poète Houdard et le graveur Gillot