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NOUVELLES LITTÉRAIRES

À peine il aperçoit cet objet qui l’enchante
Que, transporté de joie, il se jette à son cou :
« Maman, s’écria-t-il, vous êtes bien méchante
De m’avoir fait chercher si longtemps ce bijou. »

— Il faut avouer que tous les discours académiques jouent de malheur. Ils sont mauvais et le paraissent. Quoi que porte la devise de MM. de l’Académie française, je pense que ceux qui n’ont que leurs discours de réception pour prétendre à l’immortalité courent risque de n’y parvenir jamais. Heureusement le maréchal, duc de Belle-Isle s’est ouvert d’autres routes, et il n’a pas besoin pour être inscrit au temple de mémoire du discours qu’il prononça lundi 30 juin, jour de sa réception. On s’attendait à un ouvrage qui réunirait les talents et les défauts du P. de La Neuville ; on n’a eu qu’un squelette sans vie, sans âme et sans couleur. L’abbé du Resnel répondit par un éloge grossier, direct et outré : le style, les choses, le débit de ce discours, tout annonçait plutôt le collège que l’Académie. La séance fut terminée par la lecture de quelques réflexions sur la poésie, par M. de Fontenelle. Ce Nestor du Pinde prétend prouver que la poésie a été inoculée avant la prose ; et il fonde son paradoxe sur ce que les premiers hommes, n’ayant point l’usage de l’écriture, étaient obligés de retenir de mémoire les faits et les lois : or on retient plus aisément les vers que la prose. Après cette première dissertation, le dissertateur divise la poésie en fabuleuse, en spirituelle et en intellectuelle ou métaphysique. La poésie fabuleuse est celle où l’on emploie le système théologique des païens : ces divinités fabuleuses ont ouvert un vaste champ à l’imagination des premiers poëtes ; mais depuis elles sont tombées de vieillesse, et l’usage qu’on en fait aujourd’hui n’est plus si merveilleux. La poésie spirituelle est, à proprement parler, ou le langage de l’esprit seul, ou celui du cœur. L’intellectuelle est entièrement livrée à la philosophie : telle est la poésie de La Motte. Ce petit ouvrage de M. de Fontenelle n’a pas eu le sort de ses autres productions, il a été peu applaudi. Il n’est pas difficile de trouver la cause de ce phénomène. La dissertation était remplie de paradoxes ; il se trouvait peu de ces bluettes que l’auteur a semées avec tant de profusion dans ses autres ouvrages, et il louait excessivement La Motte, qui n’est plus de mode dans ce pays-ci.