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qu’à décrier la religion. Cet abus de l’esprit est la source de trois malheurs qui retombent sur les auteurs, sur le culte reçu, et sur les lettres : 1° les écrivains des livres impies sont exclus des honneurs de la société et de ceux de la littérature ; 2° la religion, attaquée par de bons mots et par des plaisanteries, perd de sa dignité et de cet ascendant qu’elle avait pris sur les esprits : les hommes sages et éclairés ne sont pas ébranlés par les sophismes et les railleries des incrédules ; mais les libertins, les génies faibles, les jeunes gens, tous ceux qui courent après l’esprit, se laissent entraîner : 3° un troisième inconvénient très-sensible, c’est la perte des lettres en France. Depuis que nous ne croyons plus dans ce pays-ci, nous n’avons plus de Corneille, de Racine, de Despréaux, de La Bruyère ; il en renaîtra lorsque nous serons redevenus croyants. Ne trouvez-vous pas étonnant qu’un homme qui se mêle d’écrire fasse de si pitoyables raisonnements ? Voilà à quoi se réduit cette brochure qui est écrite d’un style maniéré, précieux et entortillé comme tout ce qui sort de la main du jésuite qui en est l’auteur.

— Voici une petite pièce de poésie qui a bien de l’agrément, elle fait du bruit ; quoique la pensée n’en soit pas nouvelle et qu’on la voie plus naïvement rendue dans une épigramme du bon Marot. On ne nomme point le père de cette ingénieuse et délicate bagatelle, où il se trouve quelques négligences.

Jouait L’Amour entouré des ris
Jouait avec la pomme accordée à sa mère
Jouait Par l’équitable Pâris.
Jouait Sa main folâtre et légère
La jetait, l’attrapait, la rejetait en l’air.
Quand tout à coup l’oiseau qui porte le tonnerre
S’élance, la saisit, et fuit comme un éclair.
L’Amour, désespéré, parcourt toute la terre ;
Jouait Vénus ne l’aimera jamais,
Qu’il n’ait trouvé le prix qu’obtinrent ses attraits.
Jouait L’aigle, planant sur nos rivages,
L’avait laissé tomber dans nos riants bocages
Jouait Où nos rois ont fixé leur cour.
Un héros parcourant cet auguste séjour
JoLes voit et lit ces mots : À la plus belle.
« Cette pomme, dit-il, regarde Pompadour. »
JoIl la lui porte devant elle ;
JoÀ l’instant arrive l’Amour :