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était temps de finir. Il ouvre un moment les yeux ; mais les fermant de nouveau, il tombe de son fauteuil sans prononcer une parole, il étend les bras, et ce mouvement fut le dernier de sa vie.

M. l’abbé d’Olivet vient de publier trois volumes de poésies latines de différents auteurs[1]. La plupart de ces ouvrages sont des poëmes didactiques de quatre ou cinq cents vers prononcés par les jeunes jésuites à l’ouverture des classes. Tout n’est pas du même prix dans ce recueil ; mais il y a des morceaux d’une grande beauté et d’une très-belle latinité. L’édition est une des plus jolies choses qui soient sorties depuis longtemps de nos presses.

— Les Comédiens français ont déjà donné cinq représentations d’une comédie nouvelle en trois actes et en vers de M. de Voltaire intitulée Nanine. En voici le sujet : le comte d’Olban, promis à une baronne sa parente, prend du goût pour Nanine, jeune paysanne élevée chez lui, et la veut épouser. Il était tout occupé de ce mariage, lorsqu’on lui remet une lettre tout à fait tendre que cette jeune personne envoyait avec de l’argent au village prochain à Philippe Hombert. Le comte, qui prend ce Philippe Hombert pour un rival qui lui est préféré, chasse de chez lui la jeune paysanne et renoue avec la baronne. Sur ces entrefaites arrive Philippe Hombert, qui se fait reconnaître pour le père de Nanine ; le comte, accablé de remords, rappelle Nanine et se marie avec elle.

On trouve des défauts considérables dans cette comédie : 1° la scène est dans le château du comte, où il ne paraît pas que la baronne puisse se trouver avec bienséance ; 2° le billet qui fait tout le nœud de la pièce est absurde, il n’y a que le comte qui y soit surpris ; tous les spectateurs voient d’abord qu’il s’adresse au père de Nanine ; ce qui fait qu’on prévoit de trop loin le dénoûment ; 3° il est contre toute vraisemblance qu’une paysanne qui écrit à son père ne l’appelle pas son père ; 4° le comte fait dépouiller et chasser Nanine, ce qui dément le caractère de philosophie qu’on lui a donné d’abord ; 5° il y a peu d’action dans la pièce, ce n’est presque qu’un dialogue, encore le dialogue n’est-il pas toujours bon ; 6° le comique de cette

  1. Poema didascalia nunc primum vel edita vel collecta. 1749, 3 vol. in-12.