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vous n’aviez eu la sottise de vous voir revivre avec éclat dans la postérité illustre que vous comptez qui naîtra de moi ? »

2° Les lettres de galanterie sont remarquables. L’auteur ne veut point que les femmes aient de l’amour, il aime mieux qu’elles n’aient que de la coquetterie. Je m’en étonne. M. de Saint-Marc est aigre et misanthrope, et les gens de ce caractère sont plus souvent amoureux que coquets. En général, cet écrivain montre peu d’estime pour les femmes. « Je me souviens, dit-il, d’une femme fort raisonnable ; son ami avait pris pour une jolie femme, mais peu estimable, un goût de passage. La dame lui reprochait de certaines honnêtetés vives qu’il avait pour la petite bonne, et le monsieur s’en justifiait en l’assurant que, quoiqu’il fût attaché à elle d’une certaine manière, il était pénétré d’un souverain mépris pour elle. — Eh ! monsieur, s’écria la dame, méprisez-moi aussi, Je vous prie. »

3° Les Réflexions sur les différents genres de poésie composent la troisième partie de ce recueil. On y voit un million de paradoxes, et, comme l’auteur n’a pas une certaine étendue dans l’esprit, il ne parvient pas à leur donner de la vraisemblance. Cet écrivain s’acharne après La Mothe et Fontenelle ; c’est de l’ingratitude toute pure : sans eux il n’aurait jamais écrit et on sent aisément les efforts qu’il fait pour être leur singe. J’ai ouï dire à un homme de beaucoup d’esprit que M. de Fontenelle était naturellement non-naturel.

On ne donnera pas cet éloge à M. Saint-Marc, ou si vous l’aimez mieux, on ne fera pas de lui cette critique.

4° Les Dialogues des dieux sont la partie la plus brillante et la plus estimable des ouvrages de M. de Saint-Marc. Vous y trouverez des choses entortillées, des choses fausses, des choses étrangères, des choses dangereuses ; et, malgré cela, vous vous en amuserez.

M. de Saint-Marc a en général une fleur d’esprit qui plaît ; mais cet esprit est étroit et borné, il a de la délicatesse, mais peu de force et de précision. Sa manière est extrêmement gaie, mais elle devient quelquefois ridicule et guindée ou rampante ; vous serez étonnée qu’un écrivain qui a éminemment les vices de son siècle n’ait parlé qu’avec mépris de ses contemporains et avec admiration des écrivains de l’antiquité.

M. Trochereau, secrétaire du maréchal d’Harcourt, vient