Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion pour leur adresser l’épigramme suivante, que vous trouverez sans doute aussi plate qu’indécente :

Celui qui malgré vous devint votre bon frère
CeluiCesse de l’être, Dieu merci ;
La pauvre Académie en est bien lasse aussi,
CeluiElle voudrait bien s’en défaire.

— Il y a quelques jours que M. Bret, auteur de plusieurs petites comédies qui ont eu peu de succès et de quelques romans qui ne valent guère mieux, a publié un conte de fées intitulé Histoire bavarde[1]. C’est une méchante et très-insipide copie du Sopha, ingénieux et célèbre roman de Crébillon fils. Il y a apparence qu’on n’aurait jamais parlé de ce nouvel ouvrage sans les portraits de Voltaire, de Mme du Châtelet et de l’abbé Le Blanc qu’il y a insérés. Ce dernier est parvenu à prévenir le ministre contre l’auteur, qui a été arrêté et mis à la Bastille. Voici ses crimes :

PORTRAIT DE VOLTAIRE.

« Le premier sur lequel je fis l’essai de ma lorgnette était un homme d’une figure presque aérienne. Il avait mille feux dans les yeux ; son âme en était dévorée. Quelle fut ma surprise lorsque je vis l’intérieur de cet homme se dévoiler à mes regards ! Il réfléchissait un instant sur les reproches horribles dont le noircissaient ses ennemis ; il ne se trouvait point lâche, intéressé, fourbe, comme ils osaient le publier, mais il rougissait d’apercevoir que trop peu de prudence et trop d’activité dans l’amour qu’il avait pour la gloire l’avaient porté quelquefois au delà de lui-même ; qu’on avait pu se tromper à son cœur. Il voyait alors qu’il ne suffit pas, dans une carrière brillante, dans un poste éminent, d’avoir des vertus solides, vu que l’envie saisit avec avidité la moindre occasion d’en effacer le

  1. Le B…t [Bidet], Histoire bavarde. Londres (Paris), 1749, in-12. Il y a, dit Quérard, des exemplaires qui portent pour titre Le ***, Histoire bavarde, et d’autres seulement Histoire bavarde.