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succès qu’il a aux décorations les plus belles que nous eussions encore vues sur notre théâtre. Le poëte Roy vient de publier l’épigramme suivante :

On habille, on décore en vain
Un opéra si détestable ;
C’est servir des mets à la diable
Sur la vaisselle de Germain.

— La mort de M. Amelot, ancien ministre des affaires étrangères, a laissé une place vacante à l’Académie française. L’abbé Trublet, auteur des Essais de littérature et de morale ; l’abbé de l’Écluse, qui a si agréablement rédigé les Mémoires de Sully ; M. Le Franc, dont vous aurez sans doute lu l’élégante tragédie de Didon ; l’abbé Le Blanc, dont les Lettres sur les Anglais et les Français vous auront sans doute endormie ; M. Linant, qui a été couronné trois fois par l’Académie, tous ces écrivains ambitionnaient la place vacante ; il n’y a pourtant que les deux derniers qui l’aient demandée, parce que les autres n’ont pas eu le courage de s’exposer à un refus certain. M. de Montazet, évêque d’Autun, qui a plus l’esprit distingué que celui des lettres, s’est mis sur les rangs, et il est sûr qu’il sera préféré. Le couplet de la chanson qu’on a faite à cette occasion vous apprendra les motifs d’intérêt qui font préférer les prélats aux gens de lettres :

sur l’air  : Pierre Bagnolet.

Autrefois nous donnions séance
Aux Virgiles, aux Cicérons ;
Ce n’est plus l’esprit, l’éloquence.
Qu’aujourd’hui nous considérons,
Mais les jetons, mais les jetons.
Vivent les prélats, dont l’absence
Nous vaudra des revenants-bons.

M. de Voltaire avait été fait gentilhomme ordinaire du roi il y a quelques années. Ses camarades, plus humiliés, je crois, par la supériorité des talents de ce grand homme que par le dérangement de sa conduite, l’ont obligé, dit-on, à se défaire de sa charge. Le poëte Roy, étant son ennemi, a saisi cette occa-