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folk, avec toute la hauteur imaginable pour cacher elle-même sa passion, fit à son tour l’aveu des sentiments qu’il lui avait inspirés. Ils jouissaient paisiblement du bonheur de s’aimer et de se l’être dit, lorsque la politique destina Marie d’Angleterre à Louis XII, roi de France. Le duc de Valois, depuis François Ier, qui était allé au-devant de la nouvelle reine, en devint amoureux ; mais ce fut inutilement. Milord d’Orset, qui nourrissait une forte passion pour Marie et qui était jaloux de Suffolk, qui était aussi du voyage, apprit au prince français qu’il avait un rival. Valois, piqué de cette préférence, chagrina la reine, qui fut contrainte d’écrire à Henri VIII pour demander le rappel de Suffolk. Sur ces entrefaites, Louis XII meurt, et sa veuve retourne en Angleterre où elle épouse Suffolk.

M. de Soubeiran vient de publier un ouvrage de morale intitulé Considérations sur le génie et les mœurs du siècle[1]. Ce livre est rempli de choses communes ; les mauvais raisonnements y sont fréquents ; il y a quelques fautes contre la grammaire, et beaucoup de tours forcés, obscurs, déclamateurs ; je ne crois pas qu’il soit possible de voir des idées moins liées que celles qui sont répandues dans cet ouvrage, dont le mérite consiste dans un peu de chaleur et quelques expressions assez fortes. Voici les endroits de cette brochure qui m’ont paru les plus agréables :

« C’est faire une cruelle injure à une femme sage que de lui témoigner de la jalousie ; c’est faire trop d’honneur à une femme galante et donner beau jeu à une coquette.

« La familiarité continue est le poison lent de l’amitié.

« Si les gens du monde entendaient bien leurs intérêts, le vrai chrétien et le philosophe seraient plus de leur goût. Ils devraient les aimer davantage ; ils ne les trouvent jamais en concurrence. Ils ne les voient point leur disputer les biens ni les distinctions qu’ils recherchent si avidement, ni même les suffrages de la multitude dont ils sont si idolâtres. »

  1. Paris, 1749, in-12.