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NOUVELLES LITTÉRAIRES

Boucher, qui est le meilleur peintre que nous ayons pour le gracieux, dirigeait assez mal les décorations de l’Opéra, parce qu’il n’entendait pas la perspective ; Pierre, qui l’a remplacé, a réuni tous les suffrages, et il nous a donné un palais de Neptune que les ignorants et les connaisseurs regardent tous comme une très-belle chose. Pour exprimer le mépris qu’il a pour les paroles et la musique et son admiration pour les décorations, le poëte Roy a dit que c’était un méchant dîner servi avec des assiettes d’argent.

Roy, qui est l’ennemi éternel de tous les auteurs qui réussissent et qui est singulièrement piqué contre Cahusac, qui l’a chassé du théâtre lyrique, fait courir l’épigramme suivante sur le nouvel opéra :

MaDans ce prodige nouveau
MaD’impertinence complète,
MaJ’ai reconnu le poëte,
Mais je ne connais point Rameau.

M. Dulard, de l’Académie de Marseille, vient de publier un poëme français de cinq ou six mille vers, intitulé la Grandeur de Dieu dans les merveilles de la nature[1]. Le premier chant roule sur le ciel ; le second, sur la mer ; le troisième, sur la terre considérée comme élément ; le quatrième, sur le spectacle de la campagne ; le cinquième, sur le naturalisme des animaux ; le sixième, sur l’âme de l’homme ; le septième enfin, sur le cœur de l’homme et ses affections. Je ne me rappelle pas avoir vu d’ouvrage qui ait eu un sort aussi funeste que ce long poëme. On n’en a point parlé vingt-quatre heures.

L’auteur a été traité comme il méritait ; ses raisonnements sont sans ordre et sans logique, ses images sans feu et sans grâces, ses pensées sans nouveauté et sans finesse, ses faits sans choix et sans agrément. Je ne vous parle pas de ses vers, ils n’ont pas assez d’élévation pour faire de la prose un peu noble.

— Je sors de la première représentation d’Aristomène[2], tragédie nouvelle de M. Marmontel ? Cette pièce, qui a de grands

  1. Paris, 1749, in-12.
  2. Représentée le 30 avril 1749.