Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« C’est la marque d’un bon esprit que de savoir vivre avec soi-même. Ne faites pas dépendre votre paix ni des hommes, ni de la fortune ; apprenez à être votre ami.

« C’est l’esprit qui pense, le cœur se contente de sentir ; mais c’est de ce qu’il sent que l’esprit pense quand il pense bien.

« Il y a des revers de fortune qui font honneur à la vie d’un homme, comme des couleurs sombres font sentir la force d’un tableau. »

M. de Bonneval, auteur d’une Critique sur des lettres philosophiques, d’un Livre sur l’éducation[1] et de quelques autres brochures aussi peu connues, est dans l’usage de faire des épigrammes sur la plupart des événements et des ouvrages. Il vient de faire courir des vers sur l’Esprit des Lois de M. de Montesquieu. J’ai l’honneur de vous les envoyer, non comme bons, mais comme étant fort répandus dans le public et ayant pour objet un auteur célèbre :

Vous connaissez l’Esprit des Lois ;
Que pensez-vous de cet ouvrage ?
Ce n’est qu’un pénible assemblage
De républiques et de rois :
On y voit les mœurs de tous âges
Et des peuples de tous les lieux,
Les civilisés, les sauvages,
Leurs législateurs et leurs dieux.
Sur tous ces objets d’importance,
L’auteur nous laisse apercevoir,
Non une simple tolérance,
Mais une froide indifférence :
Tout lui paraît fruit de terroir.
Le sol est la cause première
De nos vices, de nos vertus ;
Néron, dans un autre hémisphère,
Aurait peut-être été Titus.
L’esprit n’est que second mobile,
Et notre raison versatile
Est dépendante des climats :
Féroce au pays des frimas,
Voluptueuse dans l’Asie,
Le moindre ressort ici-bas
Détermine sa fantaisie.

  1. Les Éléments de l’éducation. Paris, 1743, in-12.