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triste état où on voit le Louvre, vient d’exprimer ses sentiments dans les vers suivants :

Monuments imparfaits de ce siècle vanté.
Et qui sur les beaux-arts a fondé sa mémoire.
Vous verrai-je toujours, en attestant sa gloire,
Faire un juste reproche à sa postérité ?

Faut-il que l’on s’indigne alors qu’on nous admire.
Et que les nations qui veulent nous braver,
Fières de nos défauts, soient en droit de nous dire
Que nous commençons tout pour ne rien achever ?

Sous quels débris honteux, sous quel amas rustique
On laisse ensevelir un chef-d’œuvre divin !
Quel barbare a mêlé la bassesse gothique
À toute la grandeur des Grecs et des Romains ?

Louvre, palais pompeux dont la France s’honore.
Sois digne de ce roi, ton maître et ton appui ;
Embellis ces climats que sa vertu décore,
Et dans tout ton éclat montre-toi comme lui.

— Les Académies des sciences et des belles-lettres ont tenu leurs assemblées publiques mardi et mercredi, selon leur usage. Comme il ne s’y est rien passé de particulier et que les dissertations qu’on y a lues n’ont roulé que sur des matières sèches et communes, je ne vous en dirai rien. M. de Bougainville, qui a succédé à M. Fréret dans l’importante place de secrétaire de l’Académie des belles-lettres, lut l’éloge de M. Otter, ce savant Suédois qui, après avoir changé de religion, s’était donné à la France. Ce morceau était écrit avec assez de philosophie, beaucoup d’élégance et une extrême décence. On trouva seulement que l’auteur s’étendait trop sur les expéditions de Thomas Koulikan, à l’occasion d’un voyage que M. Otter avait fait en Perse durant le règne de cet usurpateur. Il fit une dissertation aussi déplacée sur la nécessité de savoir les langues orientales, à l’occasion de l’honneur qu’on avait fait à M. Otter en lui confiant les livres de ce genre qui sont dans la Bibliothèque du roi. Ces critiques n’empêchent pas qu’on n’ait conçu de grandes espérances des talents du jeune secrétaire. Comme il est d’une santé faible, M. de Foncemagne, homme d’esprit et de goût, s’est chargé d’une partie du travail qu’il y a à faire dans cette place.