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NOUVELLES LITTÉRAIRES

M. de Villeroy, ministre d’État, fort célèbre sous Henri III et Henri IV[1]. Vous ne trouverez dans cette collection ni utilité ni agrément ; point de vue, point de particularité, point de discussion, point de politique. Je ne m’instruis, dans ces lettres, que du caractère de celui qui les a écrites. Elles paraissent imprimées pour justifier l’anecdote suivante :

Un ambassadeur d’Espagne, causant un jour avec Henri IV, lui disait qu’il eût bien voulu connaître ses ministres pour s’adresser à chacun d’eux suivant leur caractère. « Je m’en vais, lui dit le roi, vous les faire connaître tout à l’heure. » Ils étaient dans l’antichambre en attendant l’heure du conseil ; il fit entrer le chancelier de Sillery et lui dit : « Monsieur le chancelier, je suis fort en peine de voir sur ma tête un plancher qui ne vaut rien et qui menace ruine. — Sire, répond le chancelier, il faut consulter les architectes, bien examiner toutes choses et y faire travailler s’il est besoin, mais il ne faut pas aller si vite. » Le roi fit entrer ensuite M. de Villeroy et lui tint le même discours ; il répondit sans regarder seulement le plancher : « Vous avez raison, sire, cela fait peur. » Après qu’il fut sorti, entra le président Jeannin qui, à la même question répondit fort différemment : « Sire, je ne sais ce que vous voulez dire ; voilà un plancher qui est fort bon. — Mais, reprit le roi, ne vois-je pas là-haut des crevasses ? — Allez, allez, sire, répondit Jeannin, dormez en repos, votre plancher durera plus que vous. » Quand les trois ministres furent sortis, le roi dit à l’ambassadeur : « Vous les connaissez présentement : le chancelier ne sait jamais ce qu’il faut faire ; Villeroy dit toujours que j’ai raison ; Jeannin dit tout ce qu’il pense et pense toujours bien ; il ne me flatte pas, comme vous voyez. »

— Epigramme de Piron contre Voltaire et l’abbé Alary, tous deux des Quarante de l’Académie française.

Près d’un abbé, l’un des Quarante,
Voltaire, un jour étant assis,
Lui dit d’une voix arrogante :
« Toi, qui jamais rien n’écrivis,
Si tu vaux un, moi je vaux dix.

  1. Quérard ne mentionne pas cette édition des Mémoires d’État de Villeroy, qui ont d’ailleurs été plusieurs fois réimprimés.