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M. Robbé, célèbre dans ce pays-ci par les contes obscènes qu’il va réciter dans les soupers, vient de publier trois odes. Il y a du feu, de la force, de la pensée, et par conséquent du génie, et même un génie original ; mais la versification en est dure et forcée, remplie de mots prosaïques, quoique assez poétique par les tours. La principale cause de cette dureté est peut-être l’affectation de l’auteur à rimer richement ; on dirait des bouts-rimés. Comme ils ne ressemblent en rien aux vers de nos meilleurs poëtes, la première impression est de les trouver détestables. L’esprit qu’on y trouve affaiblit ensuite cette impression, et si l’on ne peut estimer l’ouvrage, on ne peut s’empêcher d’estimer l’auteur. C’est Chapelain avec de l’esprit et du génie. La troisième de ces odes est sur la distinction de l’âme et du corps. Il y avait deux strophes que le magistrat a supprimées avant l’impression parce que l’auteur y propose dans toute sa force l’objection sinon la plus forte, du moins la plus spécieuse, contre la distinction des deux substances. Voici les deux strophes telles que je les tiens de M. Robbé lui-même :

Dis-moi quel est le principe,
Qui m’apportant la raison.
Naît en moi, croît, se dissipe
Dans mon arrière-saison ?
Dis-moi : cette pure flamme,
Cet être qu’on appelle âme
Est-il distinct du cerveau ?
Pourquoi, quand l’âge s’affaisse,
L’esprit, qui tombe et qui baisse,
Suit-il le même niveau ?

Est-ce donc que nos pensées
Ne sont que l’arrangement
De quelques fibres tracées
Plus ou moins artistement ?
Notre accidentel génie
Est-il comme l’harmonie
De ces orgues animés
Dont les sons qu’on leur fait rendre
Cessent de se faire entendre
Quand leurs soufflets sont fermés ?

— On a trouvé la tragédie de Catilina écrite d’un style