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NOUVELLES LITTÉRAIRES

composée dans le temps du grand éclat de Louis XIV, il est tout naturel de penser que c’est un panégyrique. Il est vrai que ce prince y est flatté, mais les personnages subalternes y sont peints avec assez de hardiesse et de sincérité. Ne vous attendez pas à trouver des personnalités dans cette histoire, mais vous y verrez l’origine et la marche de plusieurs événements assez considérables qui n’avaient pas été approfondis. Le style de cet ouvrage est celui du temps où il a été écrit ; il est long, froid et diffus, mais naturel et point épigrammatique. L’auteur de cette histoire est assez célèbre dans notre littérature pour que vous aimiez à trouver quelques particularités de sa vie et de son caractère.

Pellisson avait un frère qui, à l’âge de dix-huit ans, fut reçu dans une académie que les protestants avaient à Castres, mais à condition qu’il parlerait toujours le dernier parce que, lorsqu’il parlait avant les autres, il ne leur laissait rien de bon à dire, au lieu que, lorsqu’il parlait après eux, il trouvait toujours du bon que personne n’avait dit.

Le ministre Morus, qui avait fait un poëme latin en l’honneur de la république de Venise, en avait reçu une magnifique chaîne en or. En mourant, il la laissa par son testament à Pellisson comme au plus honnête homme qu’il eût connu.

Pellisson était sur le point d’abjurer le calvinisme, lorsque le duc de Montausier dit à Mlle de Scudéry, de la part du roi, que si Pellisson se faisait catholique il serait précepteur du Dauphin et président à mortier. Un tiers, qui avait été présent à cet entretien, le rapporta à Pellisson, qui, pour cette raison, recula son retour à l’Église.

Comme Pellisson mourut sans avoir reçu les sacrements, après avoir fait profession de piété, Linière fit l’épigramme suivante :

Je ne jugerai de ma vie
D’un homme avant qu’il soit éteint :
Pellisson est mort en impie,
Et La Fontaine comme un saint.

— On fait courir deux lettres du roi de Prusse, l’une à Crébillon et l’autre à Voltaire. La première est un éloge de Catilina, la seconde est une censure très-vive de cette pièce. Cette contradiction fait le sujet des entretiens de tout Paris.