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Et cependant, contre toute raison,
Deux sots objets (ah ! c’est ce qui m’assomme !)
Deux monstres faits et bâtis. Dieu sait comme,
Deux vilains riens attirent les badauds.
Méritent‑ils seulement qu’on les nomme ?
Sémiramis et le rhinocéros !

— Voltaire ayant demandé au roi de Prusse quelques remèdes pour ses infirmités, ce prince lui a répondu :

Eh, quoi ! vous devenez crédule
Vis-à-vis de nos médecins,
Qui pour mieux dorer la pilule
N’en sont pas moins des assassins ?
Vous n’avez plus qu’un pas à faire,
Et je vois mon dévot Voltaire
Nasiller chez les capucins.

— Il y a environ trente ans que M. Crébillon donna sa tragédie de Xercès. L’indifférence du parterre pour cette pièce, qu’il trouva médiocre, et la sagesse du magistrat, qui la trouva trop libre, l’étouffèrent dans sa naissance, et elle n’eut qu’une représentation. Le public, réveillé sur cet ouvrage par l’impression qu’on vient d’en faire, a confirmé le premier arrêt, et Xercès est jugé tout d’une voix une mauvaise pièce. Il y règne un ton bas qui révolte les moins délicats. Artaban, sur qui porte toute la tragédie, est un ambitieux qui ne cache point les desseins qu’il a de monter sur le trône, et Xercès et tous les autres personnages de la pièce sont des caractères sans cœur et sans esprit ; ils ne voient rien ou ont la faiblesse de consentir à tout sans opposition. Ce genre de poésie demande plus de dignité, et il est impossible de s’intéresser beaucoup pour des acteurs de ce caractère. La versification de cette pièce est comme celle de la plupart des ouvrages de Crébillon, dure, chevillée, obscure, enflée et gothique, mais semée de traits heureux, forts et lumineux. Tout le monde a fait attention au vers suivant :

La crainte fit les dieux, et l’audace les rois.

M. Favier, connu par quelques petits ouvrages de critique, a fait l’épigramme suivante à l’occasion de Xercès :