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De votre sexe ayez les grâces,
Du nôtre ayez les sentiments,
Et faites toujours sur vos traces
Voir autant d’amis que d’amants.

Puisque nature vous a faite
Pour nous plaire et pour nous charmer,
Sans être prude ni coquette
Jouissez du plaisir d’aimer.
Quand au goût l’on joint la prudence
On peut contenter ses désirs,
Et, sans choquer la bienséance,
Se livrer aux plus doux plaisirs.

Que les préjugés et l’usage
Règlent les sots, les paresseux ;
Quoiqu’ils soient suivis par le sage,
Il sait se mettre au-dessus d’eux.
Ce n’est qu’une faible barrière
Qu’il faut franchir sans s’alarmer ;
Ce sont de ces grands de la terre
Que l’on respecte sans aimer.

Laissez votre sexe timide
Obéir à d’injustes lois,
Et, quoi que le nôtre en décide,
Usez toujours de tous vos droits.
Avec tant d’esprit et si belle
Pouvez-vous rien faire de mal ?
Non, ne prenez point de modèle,
Soyez vous-même original.


XLIV

Piron, qui ne met point de bornes à la haine qu’il a jurée à Voltaire et à La Chaussée, m’envoya hier l’épigramme suivante, laquelle attaque les derniers ouvrages de ces deux poëtes dramatiques : l’École de la jeunesse et Sémiramis.

Ô temps, ô mœurs ! s’écriait La Chaussée,
Siècle pervers qui fuit sa guérison !
Quoi ! mon école est ainsi délaissée !
Quoi ! le carême est ma morte-saison.