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criant encore avec raison que la récolte ne fût emportée par une chaleur prématurée. Un froid vif s’est fait sentir deux jours après que M. Nivelle de La Chaussée a eu donné sa pièce, ce qui nous a valu l’impromptu suivant de Piron, que je lui ai vu faire un jour que nous dînions ensemble :

Chaleur subite
Faisant trop vite
Pousser le blé,
Monsieur Nivelle
À dit qu’il gèle,
Il a gelé.

Ces paroles ont été faites sur l’air de la cantate de Fuzelier, intitulée les Songes, et qui commence ainsi :

L’amant fidèle,
Loin de sa belle,
La voit toujours ;
Tout parle d’elle,
Tout lui rappelle
Ses heureux jours.

Un des personnages de l’École de la jeunesse dit à la comtesse :

En passant par ici j’ai cru de mon devoir
De joindre le plaisir à l’honneur de vous voir.

Ces deux vers ont paru si ridicules qu’un jour que je dînais avec cinq ou six hommes de lettres, quelqu’un proposa d’aller chez l’auteur et de lui laisser chacun une carte avec ces deux vers et notre nom au bas. La chose parut plaisante et on l’exécuta, ce qui a beaucoup mortifié La Chaussée.

— Dans le temps que La Chaussée échouait au Théâtre-Français avec une mauvaise pièce, Boissy réussissait au Théâtre-Italien avec trois ou quatre scènes sur le retour de la paix, dans lesquelles il n’y a pas le sens commun. On a fait à ce propos un madrigal dont Boissy est fortement soupçonné d’être l’auteur. Le voici : pour l’entendre, il faut se souvenir que l’École