Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est certain qu’il a dix pieds de longueur depuis les oreilles jusqu’au fondement, et dix de circonférence en le mesurant par le milieu du corps : sa hauteur est de cinq pieds quatre pouces. Les États du grand Mogol sont ceux où il se trouve le plus de rhinocéros. Celui qui est à Paris a été pris dans la province d’Achem, qui fait partie des États du roi d’Ava. Il a été amené en Hollande par mer, de là en Allemagne, et d’Allemagne en France. Pour le transporter par terre on s’est servi d’une voiture couverte traînée quelquefois par vingt chevaux. Il mange par jour jusqu’à soixante livres de foin et vingt livres de pain, et il boit quatorze seaux d’eau. Il aime tout, excepté la viande et le poisson. Il paraît que jusqu’ici le rhinocéros n’a pas été d’une grande utilité. Les Romains se servaient de la corne de cet animal, qui est fort grande, pour y conserver les huiles et les parfums qui leur servaient pour leurs bains. Les Indiens regardent toutes les parties du rhinocéros comme un antidote souverain contre le poison et le venin ; c’est leur thériaque. Avant que Pompée donnât au peuple romain le spectacle du rhinocéros, on n’en avait point vu en Europe. Dans la suite on en fit souvent paraître dans le cirque. Le premier dont il est parlé depuis la décadence de l’empire romain est celui qui combattit à Lisbonne contre un éléphant, en 1515. On en fit voir un à Londres en 1684, mais il ne paraît pas qu’on en ait jamais mené en Allemagne ni en France avant celui qu’on montre actuellement à Paris.

M. de La Chaussée a donné au Théâtre-Français une comédie en cinq actes et en vers intitulée l’École de la jeunesse[1]. En voici le sujet ; Clairval, jeune seigneur fort riche, s’est trouvé son maître de bonne heure et a débuté dans le monde en petit-maître déterminé. Il a eu toutes les passions, et s’y est livré avec excès sans rien faire pourtant contre la probité ni contre l’honneur. À l’âge de vingt-huit ans, il prend le nom de Clarendon et change entièrement de conduite. À son retour de l’armée où il s’est distingué par des actions héroïques, il est conduit par Damon, son ami, à la campagne de la mère d’une fille de qualité, nommée Orphise, avec laquelle on avait parlé autrefois de le marier.

  1. Cette comédie n’a été imprimée que dans la nouvelle édition des Œuvres de La Chaussée, donnée par Sablier. Paris, 1762, 3 vol. in-12.