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plus ingénieuse que comique. Il s’agit d’un roi d’Aragon, qui est devenu amoureux d’une fille de qualité sur son portrait, qui s’en fait aimer sous le nom d’un de ses courtisans, et qui lui fait dire que le roi veut l’épouser. C’est pour elle une nouvelle désagréable ; plus tendre qu’ambitieuse, Léonore refuse le roi et continue d’aimer le prétendu courtisan. C’est l’intrigue de la fameuse pastorale d’Issé, opéra de feu M. Houdard de La Motte. Léonore a un père qui pense aussi noblement qu’elle, et qui approuve le refus qu’elle fait d’une couronne ; à sa probité et à sa grandeur d’âme il joint un peu de misanthropie. C’est un vieux seigneur retiré dans ses terres, et qui y vit très-heureux. Il a vécu à la cour, qu’il connaît à merveille et qu’il peint assez plaisamment. Le peu de comique qu’il y a dans la pièce roule sur lui et sur la suivante. Peut-être même que le rôle de cette fille est le meilleur ; intéressée et même ambitionnée à sa manière, elle désirerait fort d’être auprès d’une reine. L’exposition n’a peut-être pas assez d’art, elle se fait dans la première scène, entre le roi et un de ses courtisans, le confident de son amour ; sur ce que le roi lui dit qu’il craint de ne pas réussir auprès de la belle au portrait, le confident, pour lui donner de l’espérance, lui rappelle tout ce qui s’est passé jusqu’ici et tout ce qu’il faut que le spectateur sache. Mais comme le roi le sait parfaitement, il semble que ce détail est beaucoup trop long pour lui, quoiqu’il ne le soit pas trop pour le spectateur.

L’auteur avertit qu’il sent bien que la comédie aurait été intitulée avec plus de justesse le Portrait, ou le Rival de soi-même, mais il y a déjà d’autres comédies sous ces deux titres.

— Tout Paris, qui s’enivre assez aisément de petits objets, est maintenant occupé d’une espèce d’animal appelé rhinocéros. M. Ladvocat, bibliothécaire de Sorbonne, a recueilli à cette occasion tout ce que les naturalistes, les voyageurs et les historiens disent de cet animal[1]. Cet écrivain dit que le rhinocéros est le plus grand des animaux à quatre pieds après l’éléphant. On prétend que celui qu’on montre à Paris pèse 5,000 livres.

  1. Lettre sur le rhinocéros à M***, membre de la Société royale de Londres. Paris, 1749, in-8o.