Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 1.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cythéron. Clarine veut lui faire honte de l’amour qu’elle a pour un simple mortel ; elle répond :

Dans l’ardeur qui me presse
Où porter ma tendresse ?
Nos dieux des fleuves sont si froids !


C’est dire assez clairement ce qu’il lui faudrait. Cythéron arrive tout à propos pour s’entendre faire une déclaration. Son indifférence met en fureur cette sotte, mais il l’apaise en lui faisant remarquer que Mercure descend des cieux pour elle et que quelque dieu rempli d’amour… Il est interrompu par Mercure qui annonce à Platée le sujet de sa mission. À peine a-t-il parlé que Platée s’impatiente déjà de ne pas voir Jupiter et trouve qu’il se fait bien attendre. Platée est, comme vous voyez, pressée de ses nécessités. Le maître des dieux arrive, enveloppé d’un nuage que la déesse des grenouilles se plaît à considérer. Il en sort sous la forme d’un taureau, il prend ensuite la figure d’un hibou, il paraît enfin sous sa forme véritable, et il est toujours agréable à Platée à laquelle il présente sa main comme pour l’épouser. À peine a-t-il prononcé le mot Je jure, que Junon l’arrête et se jette sur Platée dont elle déchire le voile. Mais quel est son étonnement à l’aspect de cet objet ! Sa confusion est extrême, et Jupiter en profite pour lui demander si elle doute encore de son amour, et ils remontent ensemble au séjour du tonnerre. Platée, qui se voit trompée, exhale sa colère et se précipite dans le fond de son marais.

Tel est la catastrophe de ce poëme, le plus plat, le plus indécent, le plus grossier, le plus ridiculement bouffon que nous ayons dans notre langue. Il est d’Autreau. La musique est du célèbre Rameau. Ses partisans soutiennent qu’il n’a jamais rien fait d’aussi beau, ses adversaires prétendent qu’il n’a jamais rien fait de pire. Comme cette musique est extrêmement singulière, il n’est pas étonnant qu’elle donne lieu à des jugements si opposés. Si vous êtes curieuse de savoir mon sentiment, j’aurai l’honneur de vous dire que je trouve dans cet ouvrage grand nombre d’airs charmants et une symphonie admirable.

— Il paraît depuis trois jours un livre intitulé Diabotanus, ou l’Orviétan de Salins, poëme héroï-comique, traduit du langue-