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l’impression l’en a tirée depuis environ huit jours. Elle a paru sous ce titre : Sémiramis en cinq actes[1].

L’auteur a imaginé de mettre cette critique en vers et d’en faire une espèce de tragédie dont les personnages sont Sémiramis, l’Exposition, le Dénoûment, l’Intérêt, la Pitié, la Cabale, les Remords, l’Action, le Nœud, les Fictions, le Style, la Terreur, la Langueur, la Décoration, l’Ombre du grand Corneille, plusieurs Beautés, troupe de Défauts. Le nom de tous ces acteurs rappelle à qui a vu la pièce quelqu’une des irrégularités ou même quelqu’un des ridicules les plus marqués de ce poëme. M. de Voltaire a refait deux actes entiers de cette pièce qui sera rejouée après Pâques. Le théâtre de la Comédie-Française sera occupé durant le carême par une comédie de La Chaussée, intitulée d’abord le Retour sur soi-même, et maintenant l’École de la jeunesse. On assure que c’est la pièce la plus triste que cet ennuyeux père du comique larmoyant ait encore donnée.

— Les comédiens italiens ont donné une rapsodie intitulée la Cabale[2]. C’est une espèce de comédie à scènes épisodiques, dans laquelle cinq ou six personnages viennent très-platement et très-ennuyeusement demander à la cabale sa protection pour eux et sa haine pour leurs ennemis. M. de Saint-Foix, l’élégant auteur de l’Oracle et des Grâces a fait, on ne sait comment, le ridicule barbouillage que j’ai l’honneur de vous annoncer.

— Samedi, 1er février, les Comédiens français donnèrent pour la dernière fois le Catilina après vingt représentations. M. le maréchal de Saxe, qui s’y trouva, voulant paraître content de l’ouvrage et étant mécontent des acteurs, dit tout haut à l’auteur : « Il faut, Crébillon, que vous soyez un grand général pour gagner une bataille avec de pareilles troupes. » Ce mot militaire, qui a extrêmement réussi, a rappelé celui que Crébillon avait dit au maréchal au temps de la première représentation. Ce grand général, ne trouvant point de place, demanda une loge à l’auteur : « Vous êtes le maître, lui dit Crébillon, de vous en procurer une ; vous n’avez qu’à l’emporter l’épée à la main. »

— Voici un phénomène littéraire qui fait du bruit à Paris, et qui en ferait peut-être plus encore dans d’autres pays. Un tis-

  1. Sémiramis, tragédie en cinq actes (par Montipny), Amsterdam, 1749, petit in-8.
  2. Imprimée au tome III des Œuvres du théâtre de Saint-Foix, 1772, in-12.