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LE BARON DE GRIMM

d’appeler à son aide le zèle et l’activité de ceux dont il avait besoin pour arriver à, son but.

Il avait déjà cinquante ans lorsqu’un genre d’ambition fort différent de celui dont s’était occupée sa première jeunesse parut l’entraîner dans une nouvelle carrière. Peut-être ce changement ne fut-il qu’un résultat des circonstances ; peut-être aussi celui d’une inquiétude vague qui lui faisait craindre de ne pas trouver dans la vieillesse assez de dédommagement des pertes qu’elle amène nécessairement, s’il n’allait pas au-devant d’elle avec ces ressources qu’on ne peut espérer que d’un certain degré de fortune et de considération extérieure.

C’est probablement dans cette vue qu’il entreprit quelques voyages en Allemagne pour y réchauffer l’intérêt qu’il était sûr d’avoir eu le bonheur d’inspirer aux amis puissants que lui avaient donné tout à la fois sa correspondance avec différents princes de l’Europe et les rapports plus particuliers qu’il avait été à portée de fournir avec plusieurs d’entre eux durant leur séjour à Paris, ou par d’autres relations plus intimes dans lesquelles il avait toujours justifié si parfaitement la confiance qu’on avait eue en lui.

Le duc de Saxe-Gotha n’oublia jamais le courage et le dévouement avec lequel il osa lui donner, dans une circonstance importante, un conseil très-sage, mais absolument contraire aux affections qui à cette époque avaient pris sur l’âme de ce prince l’ascendant le plus décidé. Quelque temps après le retour de M. de Grimm à Paris, il le nomma son ministre plénipotentiaire à la cour de France. Ce fut à peu près dans le même temps que notre philosophe reçut de la cour de Vienne le diplôme de baron du Saint-Empire, et dans la suite, de la cour de Pétersbourg le titre de conseiller d’État de Sa Majesté Impériale, et le grand cordon de la seconde classe de l’ordre de Saint-Wladimir, avec un traitement qui put l’aider à soutenir l’espèce de représentation qu’exigeait la réunion de ces différentes dignités.

Il n’était pas insensible sans doute à ce qu’il y avait de véritablement flatteur dans les distinctions dont il venait d’être honoré, mais il en jouissait avec la modestie de son bon esprit, et souriait quelquefois lui-même à la brillante métamorphose