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Et jeo ne trouve point l’inflexible Caton.
C’est blesser le respect que l’on doit à l’histoire.
À des noms consacrés oser faire un affront !
Ah ! si j’interrogeais les filles de mémoire,
Une rougeur subite irait couvrir leur front.
Français depuis un an, Anglais par ma naissance,
Je pense que l’auteur de la pièce du jour
Trouvera que je parle avec irrévérence,
Mais il vient d’outrager l’objet de mon amour ;
Cicéron est mon maître, et je lui suis fidèle ;
D’Olivet et Prévost approuveront mon zèle.
Si cette tragédie est l’œuvre de trente ans,
Et qu’on ait murmuré d’une si longue attente,
Je le dis hardiment : malgré tous ses talents,
L’auteur aurait bien fait d’en attendre encor trente.

— Il y a quelques années que Louis XV envoya MM. Gaudin, Bouguer et La Condamine dans le nouveau monde pour faire des observations sur la figure de la terre. Le roi d’Espagne joignit à ces trois messieurs deux capitaines de frégate pour leur faciliter leurs opérations. Lorsque les astronomes français furent sur le point de retourner en Europe, ils firent bâtir sous l’équateur quelques pyramides où ils firent graver le nom du prince qui les avait envoyés, leurs propres noms et le détail de leurs découvertes. À peine furent-ils partis que les Espagnols renversèrent ces monuments de la gloire des Français et s’approprièrent tout l’honneur de cette entreprise. Ils ont fait plus : ils viennent de publier trois gros volumes dans lesquels les Français jouent un assez mauvais rôle, et n’ont que peu de part aux travaux et au succès. Nos mathématiciens, M. La Condamine surtout, n’ont pas trouvé cela bien ; ils ont obtenu du magistrat une défense pour tous les journalistes de parler avantageusement de cet ouvrage. Cette affaire est presque devenue une affaire d’État, et bien des gens disent en plaisantant que les deux cours seront obligées de nommer des plénipotentiaires pour régler ce différend. Depuis qu’on ne fait plus la guerre avec l’épée, il faut bien qu’on la fasse avec la plume.

— L’abbé Boyer, ancien évêque de Mirepoix, après avoir élevé Mgr le Dauphin, a été chargé de la direction des affaires ecclésiastiques de ce royaume. Quoiqu’il ait montré peu de capacités dans cet important ministère, il va, dit-on, être honoré du cha-