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N’a pas Pour son héros un scélérat,
N’a pas Un impie, injuste, et ingrat ;
Et chez les grands comme chez le vulgaire
N’a pas Ce n’est là que l’homme ordinaire.

— Les Comédiens français ont donné, le 3 janvier, une comédie nouvelle en un acte et en vers intitulée les Visites du premier Jour de l’an[1]. Cette pièce a été si mal reçue qu’elle n’a osé se montrer qu’une fois. M. Vadé, qui en est l’auteur, est connu pour de très-jolies chansons ; mais il y a bien de la différence entre faire quelques couplets et une pièce de théâtre.

XL

J’ai eu l’honneur de vous entretenir autrefois de l’Anti-Lucrèce, ce fameux poëme du cardinal de Polignac. Si je m’en souviens, je vous disais que c’était un ouvrage où régnaient une physique surannée, une métaphysique commune, une logique peu exacte, une poésie ingénieuse, variée, élégante, mais languissante, diffuse et remplie de gallicismes. M. de Bougainville, jeune écrivain qui réunit l’esprit et le savoir, vient d’en donner une traduction qui me paraît mériter de très-grands éloges. J’y trouve de la netteté, du nerf et de l’harmonie. Le discours qu’il a mis à la tête mérite une attention particulière ; il y parle de Lucrèce d’une manière embarrassée, du cardinal de Polignac avec dignité, de lui-même et de sa traduction avec décence. Cette espèce de préface, qui gagnerait à être courte, est écrite d’un style fort élevé, remplie de réflexions fines et neuves, fondée sur des principes très-lumineux. J’y désirerais un peu plus de liaison dans les idées et quelques répétitions de moins.

— Il y a quelques années qu’une société de gens de lettres fit en commun un ouvrage intitulé les Étrennes de la Saint-Jean. Ce livre renfermait des idées assez fines et assez plaisantes sur les expressions les plus grossières du bas peuple de Paris. On se partagea sur le mérite de cette production ; les uns relevaient

  1. La Revue rétrospective de M. Taschereau (t. XII, 2e série) contient cette pièce imprimée sur le manuscrit qui appartenait à M. de Soleinne.