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Voiturer dans ses ports tout l’or du nouveau monde ;
Et le fils de Stuart par vous-même appelé
Aux frayeurs de Brunswick lâchement immolé ?
Et toi que les flatteurs ont paré d’un vain titre,
De l’Europe en ce jour te diras-tu l’arbitre,
Lorsque dans tes États tu ne peux conserver
Un héros que le sort n’est pas las d’éprouver,
Mais qui, dans les horreurs d’une vie agitée,
Au sein de l’Angleterre à sa perte excitée,
Abandonné des siens, fugitif, mis à prix,
S’y vit du moins toujours plus libre qu’à Paris ?
De l’amitié des rois exemple mémorable,
Et de leurs intérêts victime déplorable !
Tu triomphes, cher prince, au milieu de tes fers ;
Sur toi dans ce moment tous les yeux sont ouverts.
Un peuple généreux, et juge du mérite,
Va révoquer l’arrêt d’une race proscrite.
Tes malheurs ont changé les esprits prévenus ;
Dans les cœurs des Anglais tous tes droits sont connus.
Plus sûrs et plus flatteurs que ceux de la naissance,
Ces droits vont doublement affermir ta puissance,
Mais sur le trône assis, grand prince, souviens-toi
Que le peuple superbe et jaloux de sa loi
N’a jamais honoré du titre de grand homme
Un lâche complaisant des Français et de Rome.

Le régiment des gardes françaises qui a arrêté le prince Edouard est extrêmement décrié parmi nous du côté de la valeur. Cela a donné occasion à un mot de Mme la princesse de Conti, que quelqu’un a rimé de la manière suivante.

Cet essaim de héros qui sert si bien son roi,
Cet À Malplaquet, Dettingen, Fontenoy,
Cet essaiCouvert d’une égale gloire.
Des gardes en un mot le brave régiment
Vient, dit-on, d’arrêter le fils du Prétendant.
Il a pris un Anglais, ô dieux ! quelle victoire !
Muses, gravez bien vite au temple de mémoire
Cet essaiCe rare événement.
Va, déesse aux cent voix, va l’apprendre à la terre,
Car c’est le seul Anglais qu’il ait pris dans la guerre.

— Voici une des polissonneries qui, à la honte de notre nation, amusent quelquefois Paris des semaines entières. Vous comprendrez aisément que dans le premier vers il s’agit du roi,