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On a toujours reproché à Crébillon d’être trop sanguinaire dans ses pièces. Une dame du bel air crut tourner ingénieusement cette accusation en lui envoyant demander la liste des morts d’une de ses tragédies qu’on venait de représenter. « Vous rapporterez à votre maîtresse, dit Crébillon à l’envoyé, que je lui enverrai cette liste lorsqu’elle m’aura donné la liste de tous ceux qu’elle a envoyés chez Castel. » Notez que ce Castel est un chirurgien à la mode pour les maladies vénériennes.

Crébillon tomba malade quelque temps après s’être brouillé avec un homme de la cour, son intime ami. Ce généreux seigneur ayant appris que le poëte manquait de tout durant sa maladie lui envoya deux cents louis par un inconnu. Crébillon vit tout d’abord d’où lui venait ce secours, il le refusa : « Vous direz à M. ***, dit-il au porteur, qu’il me force à le haïr bien fort. »

— La tragédie de Crébillon a donné l’occasion à l’abbé Séran de La Tour de publier une Histoire de Catilina[1]. Le style de cet ouvrage est dur, entortillé, obscur et haché ; la narration gênée, pesante et perpétuellement interrompue par des matières étrangères ; les caractères manqués, superficiels et répétés. Il est bien difficile qu’un homme qui traite Salluste avec autant de mépris que le fait l’abbé de La Tour soit un bon historien.

— L’abbé de La Chambre, auteur de plusieurs ouvrages sur la religion, vient de donner une brochure contre l’auteur des Mœurs et celui des Pensées philosophiques[2]. Son but est de démontrer à ces deux écrivains la vérité de la révélation ; il ne dit sur cela que des choses triviales, encore les dit-il pitoyablement. C’est un sot croyant qui attaque deux incrédules gens d’esprit.

— Je viens d’apprendre quelques particularités sur quelques gens de lettres qui peut-être ne vous déplairont pas. J’oserais répondre qu’elles vous feraient plaisir si vous connaissiez les masques.

L’abbé Le Blanc, auteur des Lettres d’un Français, homme dur et acariâtre, blâmait effrontément M. de La Popelinière de ce qu’il fait du bien à un vieux mais impotent débauché. Les

  1. Amsterdam et Paris, 1749, in-12.
  2. Lettres sur l’écrit intitulé Pensées philosophiques et sur le livre des Mœurs, 1749, in-12.