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La peindre, c’est en faire usage,
La chanter, c’est être goûté.
Ce n’est pas que j’ambitionne
Le laurier dont on vous couronne.
Trop cher quand il est mérité ;
Et je préfère en vérité
Le naïf et badin Voltaire
Dont la touche sûre et légère
Groupe des riens ingénieux
Des riens aisés, délicieux,
Dignes des fastes de Cythère,
À ce divin rival d’Homère,
À ce chantre du grand Henri,
De Melpomène et de Thalie,
À ce peintre de tous les temps[1],
En qui la nature associe
Tous les goûts et tous les talents.
Croyez-moi, les succès brillants
Honorent plus que des statues.
Des villes prises, défendues,
Sont de communs événements :
Un héros meurt, on le remplace ;
Mais rendre délicatement
Les nuances du sentiment ;
Allier la force à la grâce,
Le génie au raisonnement ;
Et monter la lyre d’Horace
Au ton du cœur, de l’enjouement ;
Attendrir souvent, toujours plaire :
Ce rôle ne va qu’à Voltaire ;
Il est le dieu de l’agrément.
Par vos beaux vers vous faites croire
Que sous les drapeaux de Cypris
Je remporte encor la victoire ;
Du compliment je sens le prix,
Rien ne peut augmenter ma gloire
Que les belles et vos écrits.

— Les Lettres d’une Péruvienne de Mme de Graffigny, dont j’ai eu l’honneur de vous rendre compte lorsqu’elles parurent, ont donné lieu aux Lettres d’Aza ou d’un Péruvien[2]. Mais quelle diiïérence de l’esprit d’Aza à celui de Zélia ! Quelle douceur,

  1. M. de Voltaire a composé une Histoire universelle. (Raynal.)
  2. Par Hugary de Lamarche-Courmont. Amsterdam. 1748, in-12.