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pour lui. Celui-ci y consentit ; il fut bientôt au comble de ses vœux. Cependant sa maîtresse observait avec lui tous les dehors d’une austère pudeur, et ses faveurs étaient toujours accompagnées de larmes qui lui donnaient encore plus de prix aux yeux de son amant ; son amour s’en allumait davantage. Enfin il fut question de cesser un commerce dont la vertu avait à rougir, ou de le rendre légitime. Le fermier général accepta avec joie les nouveaux fers dont on voulait le charger. Une fidélité constante qu’il avait éprouvée pendant longtemps lui répondait de sa vestale ; il l’épousa. À peine eurent-ils formé le fatal lien que le charme cessa ; l’amant disparut tout à coup pour faire place au mari bourru et incommode, et Mme Le Riche de La Popelinière ne vit plus dans son mari qu’un homme dont la figure lui avait toujours déplu, mais dont la bourse devait servir à ses plaisirs. Comme ils s’étendaient à tout, et que madame était d’un tempérament qui en exigeait de plus d’une espèce, elle ne se gênait pas beaucoup pour satisfaire les plus secrets. La discorde souffla dans le ménage ; M. Le Riche chassa sa femme. Elle fut quelque temps ainsi séparée ; on intercéda pour elle, il la reprit il y a environ trois ans ; mais comme il souvient toujours à Robin de ses flûtes, la bonne dame s’échappait de temps en temps, et le mari de la battre cordialement pour le salut de son âme, ce qui procurait des petites scènes assez agréables pour faire l’entretien des cercles.

Cependant Mme de La Popelinière, lassée d’être battue, voulut mettre plus d’ordre et plus de secret dans ses ébats amoureux. Elle inventa de louer une maison voisine de la sienne sous un nom emprunté, et de faire percer le mur qui répondait à la cheminée de son cabinet de toilette. La mécanique de cette brèche amoureuse était si bien inventée qu’on n’aurait jamais soupçonné qu’elle existât. La plaque de la cheminée s’ouvrait et se fermait par le moyen d’un ressort invisible, et l’on descendait dans l’appartement destiné aux exercices de l’amour. Malheureusement une femme de chambre était dans la confidence. Je ne sais trop pourquoi Mme de La Popelinière risqua de la mettre dehors il y a six mois ; mais, soit que cette femme de chambre ne fût pas assez payée pour garder le secret, soit peut-être qu’elle voulût se venger de ce qu’on l’avait chassée, elle vient de découvrir, il y a huit jours, toute la mécanique de