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Que de plaisirs ! » Notez qu’elle était nue.
Bref, dans l’extase et l’âme toute émue,
Laissant tomber le ciseau de sa main,
Avide, il baise, admire et baise encore,
Dans ses regards, dans ses vœux incertains,
Presse en ses bras ce marbre qu’il adore,
Et tant, dit-on, le baisa, le pressa, —
Mortels, aimez, tout vous sera possible, —
Que de son âme un rayon s’élança,
Se répandit dans ce marbre insensible
Qui, par degré devenu plus flexible,
S’amollissant sous un tact amoureux,
Promet un cœur à son amant heureux.
Sous cent baisers d’une bouche enflammée
La froide image à la fin animée
Respire, sent, brûle de tous les feux,
Soupire, étend ses bras, ouvre ses yeux,
Voit son amant plus tôt que la lumière ;
Elle le voit, et déjà veut lui plaire,
Craint cependant, dérobe ses appas,
Se cache au jour, dompte son embarras,
Et rougissante à son vainqueur se livre.
Puis, moins timide, en souriant tout bas,
Avec transport de tendresse s’enivre,
Presse à son tour son amant dans ses bras,
L’anime enfin à de nouveaux combats,
Et semble aimer même avant que de vivre.

ENVOI.


Toi dont l’esprit, les grâces m’ont charmé,
Puissent mes vers transmettre en toi ma flamme !
Permets qu’Amour par moi te donne une âme.
Qui n’aime point est-il donc animé ?

— Tout est extraordinaire dans un ouvrage qu’on vient d’imprimer en deux volumes et qui fait beaucoup de bruit par la hardiesse des sentiments qu’on y a hasardés. Il est intitulé Telliamed, ou Entrelien d’un philosophe indien et d’un missionnaire français[1]. L’auteur est M. Maillet, consul au Caire et qui était auparavant secrétaire de M. Delahaye, ambassadeur de

  1. Amsterdam, 1748, 2 vol. in-8. Publié par Guers sur les manuscrits de Benoît de Maillet, mort en 1738. L’abbé Le Mascrier en a donné une édition augmentée, Paris, 1755, 2 vol. in‑12.