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altéré par l’ignorance et les malheurs du temps. Le nouveau manuscrit qu’on va publier nous donnera saint Louis et Joinville tels qu’ils ont été[1]. Le plus savant homme de l’Europe, M. Fréret, continua la séance par la lecture d’une dissertation très-sèche sur les Amazones. Son but était de prouver que ce peuple guerrier de femmes n’a jamais existé, mais qu’on peut conjecturer avec vraisemblance que ce qui a donné lieu à cette fable est que les Sauromates menaient avec eux leurs femmes à la guerre, et qu’elles se défendaient avec autant de courage et de vigueur que leurs maris, qu’elles étaient élevées à manier et à porter les armes comme les hommes, et que les peuples contre lesquels les Sauromates se battirent d’abord, étonnés de voir des femmes faire la guerre, s’imaginèrent qu’elles étaient seules comme soldats, ou répandirent peut-être ce bruit pour donner à la chose plus de merveilleux. De là sont nées, selon M. Fréret, toutes les fables qu’on a débitées sur les Amazones. M. de Sainte‑Palaye termina la séance par une dissertation sur les mœurs, les usages, les devoirs de l’ancienne chevalerie. Comme ce n’est qu’un détail, il est impossible de le rendre. Cet académicien avait rassemblé avec beaucoup d’esprit et de goût des traits charmants de la simplicité, de la valeur, de la probité et de la galanterie de ces chevaliers.


XXXVI

Depuis quelque temps nous ne voyons plus de tragédies à l’Opéra. Le public paraît avoir un goût décidé pour les ballets où il y a moins d’intérêt et plus d’agrément. On en donne actuellement un dont les paroles sont de Cahusac et la musique de Rameau, qui réussit très-bien. Il est intitulé les Fêtes de l’Hymen et de l’Amour[2]. On le donna une fois à la cour au temps du mariage de Mgr le Dauphin. La ville, qui se connaît

  1. L’abbé Sallier, Melot et Capperonnier, ont donné, en 1761, une édition de Joinville. Paris, Imp. royale, in-folio.
  2. Représenté pour la première fois à Versailles, le 15 mars 1747, et à Paris le 25 novembre 1748.