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Ouiconque me veut suivre en cette occasion.
Or sus, buvons trois coups de ce jus de la grappe,
Et vous goûterez mieux ma proposition.
J’avais, je l’avouerai, le dessein d’être pape ;
Le poste est bon, ma foi, mais diable, on ne l’attrape
AmisQue quand nature est aux abois.
AmisJ’aimerais mieux donner mes lois,
AmisLe sceptre en main, comme Priape,
AmisÀ tous ces tendrons de Chio.
Ah ! que ma majesté régnerait à gogo !
AmDe vin, d’amour, je tiendrais une étape,
AmisEt qui largement y boirait,
AmisPéniblement y baiserait.
Sacredié, mes amis, faisons-en la conquête,
AmCroisons-nous tous, sabrons tous ces turbans,
AmisDu beau sexe infâmes tyrans.
Ivrognes et ribauds, je suis à votre tête.
AmFrères très-chers, marchons, embarquons-nous,
AmisAllons, frapper de rudes coups
AmisSur cette canaille hérétique.
AmQui profanant maint bachique coteau,
Le tient en friche et ne boit que de l’eau.
Ne souffrons plus que ce fourbe extatique.
Ce vilain Mahomet tienne la Grèce aux fers.
AmisQue cette idole de la Mecque,
AmisCe fier faquin rentre aux enfers.
AmisVin de Chio, fringante Grecque,
AmisSeront pour nous, braves soldats ;
AmisVins veloutés, charmants ébats,
AmisSeront les fruits de la victoire.
AmisJarni, quel vin ! morbleu, quels yeux !
Boit-on en ce pays ? l’amour en a la gloire.
AmisDans ce climat délicieux
AmisBuveur d’eau sans crainte se livre,
AmisEt l’amour seul est capiteux.
Mais dès qu’en ses transports l’amour voluptueux
AmEn ce penchant se dissout et s’enivre,
Qu’il expire, n’est plus, un verre de bon vin
AmLe rend au jour et l’arrache du sein
De celle qui bientôt va le faire revivre.
Ainsi, sept fois par jour on se meurt, on revit ;
AmAinsi sept fois à l’amant qui languit
AmisBacchus remet du cœur au ventre.
AmisBoit-on un coup ? Soudain on rentre
AmisDans la carrière d’où l’on sort ;
AmisAprès un coup on mouille au port,