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la nouvelle croisade.
EXHORTATION
prononcée
en présence des grassins par prolfique et gourmette personne
m. gillet héliogabale de la ribaudière
aumonier du régiment[1].

Amis, on va fermer le temple de Janus,
AmisEt Mars, dans les bras de Vénus,
Va signaler bientôt son amoureuse audace.
AmisIl vend chevaux, sabre, cuirasse,
AmisLance, cuissards, et javelots ;
AmisDe sa visière il fait un masque,
AmÀ Jélyotte abandonne son casque.
AmisEt des écharpes du héros
AmLa duchesse fera des dominos.
Mais vous, dont tout le bien n’est qu’un vieil uniforme,
Qu’allez-vous devenir, infortunés Grassins ?
AmisVous ferez-vous, à la réforme,
AmisRats de cave ou bien capucins ?
Ah ! qu’il ferait beau voir les enfants de Bellone
Nu-pieds, barbus, pouilleux, escamoter l’aumône ;
AmOu bien de voir de généreux guerriers
AmisDe la Maltôte être croupiers.
Et moi, braves enfants, qui suis sans bénéfice,
AmisMoi, capeliau Languedocien,
AmisDirai-je gratis un office
AmisOù, sur ma foi, je n’entends rien ?
Pour vivre, me joindrai-je à cette crasse bande ?
AmCervaux fêlés, ferrailleurs d’arguments,
AmisVivant d’obits, d’enterrements.
AmisQu’on nomme des prêtres d’Irlande ?
Non ferai-je, corbleu ! j’ai de l’ambition.
Ayez-en comme moi, qu’elle soit noble et grande ;
AmDes braves gens elle est la passion.
AmSi comme moi la gloire vous gourmande,
AmisSuivons-en la vocation.
AmMarche à moi, grenadier ; feu, frappe :
Foi d’aumônier, je fais ou chanoine ou satrape

  1. On appelait Grassin, du nom de son colonel, un régiment composé de trois cents cavaliers et de neuf cents fantassins qui, durant la campagne des Flandres, en 1745, se distingua à la prise d’Oudenarde.