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LE BARON DE GRIMM

cependant M. de Grimm aux lettres ; elle ne lui laissa plus le loisir d’entreprondre des ouvrages auxquels il semblait appelé par le genre particulier, de son esprit et de son talent, et dont le succès eût placé peut-être son nom parmi les noms les plus distingués de cette époque de littérature. Mais la tâche à laquelle son amour-propre crut devoir sacrifier ces espérances lui présenta des dédommagements dont il eut lieu d’être satisfait, et sous plus d’un rapport. Entre ses mains, la correspondance que lui avait cédée l’abbé Raynal devint bientôt la source des relations les plus flatteuses et les plus intéressantes. Elle fut, en quelque sorte, plus utile encore aux autres qu’elle ne le fut à lui-même. Il eut le secret d’attirer l’attention des premières cours de l’Europe sur le mérite de plusieurs hommes de lettres et de plusieurs artistes qui lui furent redevables en partie et de leur fortune et de leur renommée. C’est par son entremise que Catherine II acheta la bibliothèque de Diderot, sous des conditions qui ne rappellent pas moins la grâce, la délicatesse, l’amabilité de cette auguste souveraine qu’elles n’attestent la magnanimité de son caractère. C’est encore par son entremise qu’elle fit l’acquisition du cabinet d’histoire naturelle de Mlle Clairon, dans la suite celle des pierres gravées de M. le duc d’Orléans[1] et de la bibliothèque de Voltaire. Il serait trop long

  1. Extrait du procès-verbal de cette acquisition retrouvé aux Archives :

    L’an mil sept cent quatre-vingt-sept, le vingt-sept octobre,


    Nous Frédéric-Melchior, baron de Grimm et du Saint-Empire romain, chevalier grand-croix de la seconde classe de l’ordre impérial de Saint-Wladimir, conseiller d’État de S. M. l’Impératrice de toutes les Russies, chargé des ordres particuliers de Sa Majesté pour l’objet des présentes ;


    Et nous Jérôme-Joseph-Geoffroy de Limon, chevalier, seigneur de Drubec, Drumare, Blouville. Aiguillon, Crèvecœur, Thillard et autres lieux, gouverneur des ville et château de Touques, conseiller du Roi en ses conseils, contrôleur général des finances de S. A. R. monseigneur le duc d’Orléans, commissaire chargé des ordres exprès et des pouvoirs de S. A. R. monseigneur le duc d’Orléans,


    Soussignés,


    Nous étant rassemblés au Palais-Royal, pour procéder à la remise et au payement du cabinet des pierres gravées dépendantes de la succession de feu monseigneur le duc d’Orléans, acquis des Sérénissimes Princes et Princesses ses héritiers pour Sa Majesté Impériale, nous y avons procédé ainsi qu’il suit, en présence de M. l’abbé de La Chau, garde du cabinet des pierres gravées et bibliothécaire de feu monseigneur le duc d’Orléans, et de M. Galli, trésorier de S. A. R. monseigneur le duc d’Orléans.


    Chaque tiroir au nombre de vingt-huit, contenant en total quatorze cent soixante-huit pierres, ont été par nous vérifiés et reconnus conformes (sic) au