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— Voici la parodie de l’épigramme contre Voltaire, que j’ai eu l’honneur de vous envoyer il y a deux courriers :

Le toMalgré la basse jalousie
Le toD’un nombre infini d’ennemis,
Le toOn applaudit Sémiramis ;
Le tombeau de Ninus est celui de l’envie.


Il a paru trois ou quatre critiques badines de cette tragédie. C’est notre usage, nous tournons tout en raillerie dans ce pays-ci ; on plaisante sur les malheurs de l’État comme sur une aventure singulière et bizarre. Un ancien historien observe que lorsque Annibal proposa aux Gaulois de s’unir à lui pour aller porter la guerre en Italie, ils lui répondirent par un grand éclat de rire. Nous n’avons pas dégénéré, et nous rions de tout aussi bien que nos ancêtres. Les affaires les plus importantes ont toujours pour nous un côté ridicule ; nous les envisageons de ce côté-là, et nous rions.

— Vous connaissez, je crois, Danchet aux enfers. On a fait, à l’imitation de cet ouvrage de Piron, La Peyronnie aux enfers. La Peyronnie était le premier chirurgien du roi ; son exaltation le porta à vouloir bien ou mal ennoblir sa profession et à la rendre indépendante de la médecine. Cette prétention a brouillé irréconciliablement les gens des deux professions, lesquels, pour l’intérêt de l’humanité, devraient être si intimement unis. Depuis plusieurs années ils inondent le public de factums, de plaidoyers, de satires les uns contre les autres. La poésie que j’ai l’honneur de vous annoncer est un fruit de cette dispute. On introduit La Peyronnie avouant au monarque des sombres bords que les chirurgiens méritent sa protection parce qu’ils peuplent tous les jours son empire, au lieu qu’il doit exterminer tous les médecins qui prolongent les jours des hommes. Cette idée ridicule et si opposée à l’idée qu’on a de la médecine n’a pas paru plaisante. On fait faire d’ailleurs à La Peyronnie des aveux qui ne sont pas dans la vraisemblance. Ainsi, la pièce totalement prise est mauvaise ; mais il y a quelques portraits qui sont rendus avec une assez grande force de pinceau, celui d’Astruc en particulier.